L’Inde fait de moins en moins mystère de l’action de ses services de renseignements

L’Inde fait de moins en moins mystère de l’action de ses services de renseignements

En Inde, les services de renseignements sont incriminés dans de plus en plus d’affaires à l’étranger. Et le gouvernement revendique de plus en plus ouvertement de pouvoir frapper ses ennemis, y compris en dehors de son territoire. En quelques mois, les services secrets indiens ont fait beaucoup parler d’eux.

De notre correspondant à Bangalore,

La grande affaire qui implique les services de renseignements concerne le ciblage par l’Inde des activistes de confession sikhe qui réclament un état indépendant dans le Pendjab indien. Elle a éclaté en juin 2023 lorsque, près de Vancouver, l’organisateur d’un référendum consultatif sur cette question a été assassiné. Le Premier ministre Justin Trudeau y voit alors la main du Raw, les services de renseignement extérieurs de l’Inde. Quelques mois plus tard, ce sont les États-Unis qui affirment avoir déjoué le meurtre d’un autre activiste sikh et désignent, à nouveau, l’Inde. Et fin avril, le Washington Post publie le nom de l’agent de renseignement qui serait derrière ces opérations et affirme que le gouvernement indien ne peut pas ne pas savoir. 

Juste après, une autre affaire sort dans les médias australiens. Cette fois, il s’agit d’un programme d’espionnage industriel de l’Inde, qui aurait été stoppé par le renseignement australien en 2020, qui aurait alors expulsé deux agents à la tête d’un « nid d’espions ». New Delhi nie en bloc mais ne semble pas convaincre grand monde. Surtout que les États-Unis ou l’Australie, qui cherchent plutôt à courtiser l’Inde, n’ont absolument aucun intérêt à inventer des affaires pareilles. 

Fanfaronnades ambiguës

D’abord, le ministre de la Défense indien affirme que si un terroriste défie l’Inde, il peut être éliminé où qu’il soit. Il fait référence au Pakistan alors que le Guardian vient d’affirmer que le Raw y a commandité vingt assassinats. Mais il est difficile de ne pas penser aux indépendantistes sikhs du Canada et des États-Unis, que New Delhi qualifie de terroristes. Et puis la semaine dernière, Narendra Modi, en campagne pour sa réélection, persiste et signe en déclarant que l’Inde tue désormais les terroristes plutôt que de remplir des dossiers sur eux. 

Le gouvernement indien dit une chose et son contraire à la fois. Face à ses alliés, il pousse des cris d’orfraies lorsque ses services secrets sont incriminés. Face à son opinion publique, il martèle que l’Inde est désormais une grande puissance à l’égal des autres, c’est-à-dire capable de monter des opérations à l’étranger. Ce jeu de dupes fonctionne parce qu’aucun pays occidental n’a intérêt aujourd’hui à envenimer ses relations avec l’Inde, un contrepoids à la Chine et un immense marché de 1,4 milliard de consommateurs.

C’est ainsi que le Premier ministre australien a refusé de commenter les révélations sur l’espionnage industriel indien. De son côté, Washington fait preuve de beaucoup de clémence face à cette tentative d’assassinat sur son sol par une puissance étrangère, et laisse l’Inde mener sa propre enquête. Mais le risque est d’arriver à un point de rupture, le jour où les amis de l’Inde la désigneront comme un ennemi. C’est sans doute d’ores et déjà le cas entre services de renseignements.

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