L’Algérie menace de prison les cinéastes qui porteraient atteinte « aux valeurs nationales » et au référent religieux

L’Algérie menace de prison les cinéastes qui porteraient atteinte « aux valeurs nationales » et au référent religieux

Lors des Rencontres cinématographiques de Béjaïa, à l’est d’Alger, le 23 septembre 2023.

Qui se risquera désormais à produire un film en Algérie après l’adoption, lundi 4 mars, par l’Assemblée populaire nationale d’un projet de loi sur l’industrie cinématographique ? Pour la première fois depuis l’indépendance, le texte, que le conseil des ministres avait approuvé le 10 décembre 2023, prévoit des peines de prison pour les professionnels du cinéma qui ne se conformeraient pas certaines conditions.

Il en coûtera ainsi un à trois ans de prison à « quiconque exerce ou finance les activités de production, prise de vues, distribution ou exploitation des films cinématographiques contraires (…) aux valeurs et constantes nationales, à la religion islamique et aux autres religions, à la souveraineté nationale, à l’unité nationale, à l’unité du territoire national et aux intérêts suprêmes de la nation, aux principes de la Révolution du 1er novembre 1954, à la dignité des personnes » ou qui inciteraient « à la discrimination et aux discours de haine ». Parmi la quarantaine d’amendements proposés par les députés, aucun n’a remis en cause cette disposition.

La loi de 1967, votée alors que l’Algérie vivait sous le régime du parti unique et que la production cinématographique était largement sous le contrôle d’un office public, ne prévoyait que des amendes et des interdictions d’exercer en cas d’infraction. Idem pour celle de 2011, portée par la ministre de la culture de l’époque, Khalida Toumi. Figure de la défense des droits des femmes et de la démocratie, celle-ci avait en revanche fait interdire « le financement, la production et l’exploitation de toute production cinématographique portant atteinte aux religions ou à la guerre de libération nationale (…) glorifiant le colonialisme ou portant atteinte à l’ordre public ou à l’unité nationale ».

La production de films relatifs à la « guerre de libération nationale » avait alors pour la première fois été soumise à autorisation préalable. « Le contrôle de tout produit cinématographique est un droit absolu du gouvernement », avait alors répondu la ministre aux députés, inquiets par cette limitation de la liberté. La sanction pouvait alors varier entre 500 000 et un million de dinars (de 3 400 à 6 800 euros) pour un film sur la guerre d’indépendance non autorisé.

« Surcroît de bureaucratie »

La nouvelle loi allonge la liste des sujets soumis au contrôle des autorités.  En plus des films traitant de la guerre d’indépendance, ceux qui se rapportent « aux thèmes religieux, aux événements politiques, aux personnalités nationales et aux symboles de l’État sont soumis à l’avis consultatif des institutions concernées ». « Un surcroît de bureaucratie pour nous et une crainte, voire une humiliation, de voir un scénario retoqué par des fonctionnaires qui n’en ont pas les compétences », se désole un producteur algérien sous couvert d’anonymat.

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