Une sécheresse historique ébranle la Silicon Valley de l’Inde

- Advertisement -

Une sécheresse historique ébranle la Silicon Valley de l’Inde

12 mars 2024 à 17h01
Mis à jour le 12 mars 2024 à 18h29

Durée de lecture : 3 minutes

Bangalore (Inde), reportage

IBM, Capgemini, Infosys… En périphérie de Bangalore, de grands parcs informatiques pour multinationales ont poussé ces dernières années, et avec eux des résidences destinées à la classe supérieure. Ce miracle du boom des nouvelles technologies à Bangalore se paie aujourd’hui comptant, alors que les réserves d’eau de la ville menacent d’être totalement épuisées.

« Les puits qui alimentent notre immeuble en eau sont à sec depuis deux semaines », explique Prasad, un habitant de Marvel Sequoia, ensemble d’immeubles avec piscine dans le quartier riche de Whitefield. Avec d’autres, il guette tous les matins l’arrivée des camions-citernes. « On dépend à 100 % de ces fournisseurs privés qui revendent de l’eau pompée en lisière de la ville. Il y a 230 appartements ici, il nous faut 120 000 litres d’eau par jour. »

La moitié des puits sont vides

Le prix de ces citernes d’eau est passé de 10 à 20 voire 30 euros dans la ville, alors que la moitié des 14 000 puits de forage de la ville sont vides selon le gouvernement du Karnataka, l’État de Bangalore. « Au cours des quarante dernières années, nous n’avons pas vu une telle sécheresse », affirme le dirigeant D. K. Shivkumar, qui assure que de l’eau est acheminée en urgence à Bangalore depuis la rivière Cauvery, 100 kilomètres au Sud.

Une sécheresse historique ébranle la Silicon Valley de l’Inde les camions citernes ont envahi les rues du quartier de whitefield ou se concentrent les industries informatiques de bangalore c come bastin

Les camions-citernes ont envahi les rues du quartier de Whitefield où se concentrent les industries informatiques de Bangalore.
© Côme Bastin / Reporterre

« On doit changer toutes nos habitudes », juge Ankit, autre résident de Whitefield, qui lave sa voiture sans eau. « Le syndic’ a coupé l’eau durant la journée. Je remplis le matin des seaux pour pouvoir me laver plus tard. » La situation est pire par endroits. Des médias locaux racontent comment des cadres supérieurs utilisent les toilettes des centres commerciaux ou quittent même déjà la ville. Dans les quartiers pauvres, certains font la queue devant les stations d’épurations pour quelques litres.

Une urbanisation explosive

En 2023, le sud de l’Inde a été beaucoup moins arrosé par la mousson qu’habituellement. Le déficit est de 25 % pour le Karnataka. C’est la première explication à la crise de l’eau, mais elle masque nombre de facteurs plus structurels, explique Zibi Jamal de l’ONG Whitefield Rising. « Avec l’explosion urbaine, on a bétonné les sols sans construire assez de système de drainage, de canalisation, de récupération des eaux. Donc les pluies tombent sur la ville sans régénérer les réserves. »

Sur les 280 lacs qui faisaient la fierté de Bangalore au XXe siècle, il n’en reste guère plus qu’une dizaine, dont certains ultrapollués. « Faute de gestion publique de l’eau, les fournisseurs privés creusent des puits toujours plus profonds, toujours plus loin », poursuit Zibi Jamal.

En périphérie de Bangalore, les nappes phréatiques sont pillées illégalement pour remplir les camions citernes. « En 2010, on trouvait l’eau à 45 mètres, aujourd’hui c’est 450 », se désole Vivaan Akash, habitant de Ramagondanahalli. Certains pointent aussi le développement de la culture de la canne à sucre, très gourmand en irrigation.

Des solutions à court terme

Dans l’urgence, la municipalité a instauré une amende face aux gaspillages et débloqué 61 millions d’euros pour répondre à la crise. Le fleuve Cauvery devrait être massivement pompé pour remplir les lacs et les puits de Bangalore. « Le problème, c’est qu’une fois la crise passée, on risque de reprendre nos mauvaises habitudes », reconnaît avec inquiétude Prasad, au Marvel Sequoia.

Dans les grandes résidences du quartier de Whitefield, à Bangalore, on guette les camions-citernes.
© Côme Bastin / Reporterre

Ces solutions à court terme enveniment par ailleurs les relations avec l’État du Tamil Nadu, en aval du fleuve Cauvery, qui réclame sa juste part d’hectolitres. Le paradoxe : durant la mousson, le Karnataka et le Tamil Nadu sont de plus en plus sujets aux inondations, renforcées par le changement climatique et la bétonisation des sols. « Bangalore reçoit bien assez de précipitations durant les moussons pour tous ses habitants, l’urgence est de pouvoir capter ces eaux de pluie », juge Zibi Jamal.

Cet article est apparu en premier sur https://reporterre.net/Dans-la-Silicon-Valley-de-l-Inde-la-secheresse-fait-fuir-les-cadres-sup


.

- Advertisement -