En Algérie, supplique pour la grâce du journaliste Ihsane El Kadi, en prison depuis 500 jours

En Algérie, supplique pour la grâce du journaliste Ihsane El Kadi, en prison depuis 500 jours

Interpeller, oui, mais, surtout, ne pas braquer le pouvoir, dans l’optique d’obtenir un jour la libération d’Ihsane El Kadi ? Le journaliste algérien passe ce mardi 7 mai son 500e jour derrière les barreaux. Les défenseurs des libertés émettent des requêtes auprès du président algérien Abdelmadjid Tebboune, la grâce étant la dernière option pour le faire sortir de prison. Le 12 octobre 2023, le dernier recours devant la Cour suprême a été épuisé : l’homme de presse doit purger cinq ans de prison et deux ans de mise à l’épreuve.

« Nous vous appelons à user de vos prérogatives »

Incarcéré à la prison d’El-Harrach, dans la banlieue d’Alger, le patron du site d’information Maghreb Émergent et de Radio M – parmi les derniers médias indépendants – « garde le moral », selon son entourage. Le mois de Ramadan n’a pourtant pas été facile : la poste lui livrait le courrier au compte-goutte. L’échange épistolaire est pourtant le dernier contact extérieur avec la visite familiale tous les quinze jours, le journaliste n’ayant plus accès aux avocats.

Le destin d’Ihsane El Kadi est entre les mains de son principal accusateur. Le 24 février 2023, à la télévision nationale, le président algérien avait pointé du doigt le journaliste de 64 ans avant même qu’il ne soit jugé, en le considérant comme un khabardji, c’est-à-dire un « indic » à la solde de puissances étrangères. Ce n’est donc pas le moment de recourir à la pression internationale – politique ou médiatique – pour obtenir un geste de sa part.

« Dans les divers échos que nous avons pu avoir, il apparaît que nos interpellations à l’étranger ont produit plus de mal que de bien, et ont joué un rôle dans l’aggravation de la peine en appel », explique un proche. L’adoption, le 11 mai 2023, d’une résolution au Parlement européen pour demander la libération immédiate du journaliste aurait été très mal prise en haut lieu. D’où l’idée de gérer cette affaire à la seule échelle nationale.

Dès janvier, un collectif de personnalités exclusivement algériennes (1) a adressé une lettre ouverte au président, parue dans les colonnes du quotidien El Watan. Sans résultat. « Nous sommes des journalistes, artistes et intellectuels algériens qui croyons à la vérité et la justice, et qui aimons notre pays, ont-ils prévenu en préambule. Nous avons l’honneur de vous écrire pour attirer votre attention sur le sort d’Ihsane El Kadi. Certains d’entre nous le connaissent personnellement, d’autres ont suivi à distance son parcours brillant qui en fait une figure de proue dans la profession. Nous vous appelons à user de vos prérogatives pour lui accorder la grâce présidentielle, lui rendre sa liberté et lever le poids considérable qui pèse sur sa famille et ses proches. Et qui pèse aussi, nous le savons et le constatons, sur l’image de l’Algérie. »

Déconvenues en série

Début avril, les ONG pour la liberté d’expression ont lancé un appel à la mansuétude pour gracier plus de 200 prisonniers d’opinion, pensant que le mois de Ramadan serait de nature à inspirer le pardon. En vain. Le 3 mai, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse à Alger, le représentant de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) pour l’Afrique du Nord, Khaled Drareni, a « réitéré » cette demande et assuré sa volonté de « continuer » à le faire. Pas de réponse.

Reste à savoir si le président sera enclin à l’indulgence dans l’optique de l’élection présidentielle pour laquelle il se porte candidat, le 7 septembre prochain. Certains parlent du 5 juillet, date de la fête de l’indépendance, comme un possible horizon, d’autres de l’après-scrutin. L’Algérie figure à la 136e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse de RSF en 2023.

(1) La militante nationaliste Louisette Ighilahriz, l’écrivain Yasmina Khadra, les écrivaines Maïssa Bey et Kaouther Adimi, les professeurs Elias Zerhouni et Noureddine Melikechi, le comédien Fellag et les journalistes Ali Djerri et Hafid Derradji…

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