La liberté de la presse en Inde et en Argentine

La liberté de la presse en Inde et en Argentine

En Inde, une journaliste australienne de la chaîne nationale ABC a été expulsée en pleine couverture de l’élection. En Argentine, les attaques verbales de Javier Milei et de son gouvernement envers les journalistes sont incessantes.

La liberté de la presse en Inde et en Argentine avatar e7320e16

Le gouvernement argentin ferme et fait barricader par la police l’agence de presse Télam, à Buenos Aires, le 4 mars 2024. (LUIS ROBAYO / AFP)

Il est de plus en plus difficile de travailler en tant que journaliste dans l’Inde de Narenda Modi. Le président indien, qui est au pouvoir depuis dix ans, brigue actuellement un troisième mandat dans le cadre des élections générales, dont l’issue sera connue au mois de juin. Il n’a jamais accordé d’interview ni organisé de conférence de presse. Le 19 avril 2024, Avani Dias, la correspondante en Inde de la radio télévision australienne ABC, a dû quitter le pays car les autorités ont refusé de renouveler son visa.

En Argentine, les insultes et les attaques du gouvernement de Javier Milei contre les journalistes sont constantes et inquiètent. Depuis décembre 2023, le début de la gestion de Javier Milei en tant que président, quatre attaques contre la presse sur dix proviennent du chef de l’État lui-même ou de ses ministres, selon un rapport du Comité pour la protection des journalistes, publié le 1er mai 2024. Le 4 mars 2024, comme il l’avait annoncé dans son programme, Javier Milei a également fermé l’agence de presse argentine Télam. Certains s’inquiètent des risques de dérive autoritaire.

Inde : la liberté de la presse est en crise, dénonce RSF

Avani Dias, la journaliste australienne correspondante de la ABC en Inde depuis 2021, a dû quitter l’Inde le 19 avril. Les autorités indiennes lui reprochaient d‘avoir fait son travail. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est un épisode d’une émission qui est un peu l’équivalent australien d’Envoyé Spécial, consacrée à l’assassinat présumé d’un séparatiste sikh fomenté par le pouvoir indien au Canada et qui, selon les autorités canadiennes, a été perpétré par des agents indiens.

Quelques jours avant d’apprendre que son visa ne serait pas renouvelé, ce qui normalement se fait sans difficulté, les autorités indiennes avaient bloqué le reportage sur YouTube. Les autorités australiennes ont bien tenté de plaider sa cause auprès du gouvernement indien, mais comme Avani Dias l’a expliqué elle-même, il lui était devenu impossible de faire son travail. « J’avais du mal à couvrir des événements publics organisés par le parti de Modi et le gouvernement ne voulait même pas me donner les accréditations nécessaires pour couvrir les élections », explique la journaliste dans un podcast. Depuis, Avani Dias est revenue en Australie où elle travaille toujours pour ABC et elle a rejoint l’équipe qui produit « Four Corners », l’émission d’investigation de référence en Australie. Tandis qu’en Inde, dans son dernier rapport, Reporters sans frontières estime que la liberté de la presse est en crise.

Le gouvernement australien n’émet aucune critique

Les autorités australiennes ont donc œuvré en coulisses pour tenter de permettre à Avani Dias de continuer à exercer en Inde. Mais le gouvernement, face à l’autoritarisme toujours plus exacerbé de Narendra Modi, n’émet aucune critique. C’est même tout le contraire, puisqu’en août 2023, Narendra Modi est venu à Sydney, et Anthony Albanese, devant une foule de supporters, est même allé jusqu’à l’appeler « le boss ». Il a par la suite expliqué à des journalistes que ce n’était pas son rôle de dénoncer les atteintes de son homologue indien à certaines libertés, que lui, veillait d’abord à faire avancer les intérêts de l’Australie. Et en la matière, ils sont doubles. L’Inde est un énorme marché que l’Australie voit comme une alternative préférable à la Chine, dont elle est très dépendante économiquement, mais aussi comme une alliée, sur le plan sécuritaire. Ainsi, l’Inde est, avec les États-Unis, le Japon et donc l’Australie, membre du Quad, une alliance informelle qui vise à contenir les ambitions de la Chine dans la région Indo-Pacifique.

Argentine : Javier Milei qualifie le journalisme de « pire égout de l’univers »

Il y a d’abord les attaques verbales directes auxquelles sont confrontés les journalistes en Argentine. À plusieurs reprises, le président ultralibéral, Javier Milei, élu depuis le 10 décembre 2023, a qualifié les journalistes de « corrompus », « menteurs« , ou même de « crétins« . Le chef de l’État a décrit le journalisme comme « le pire égout de l’univers ». En plus de ces insultes, il existe de la part de Milei un dénigrement fréquent de la presse sur les réseaux sociaux, ce qui donne lieu à la multiplication d’attaques d’internautes admirateurs du président.

Par ailleurs, l’accès au pouvoir exécutif est assez restreint. Même si le porte-parole du gouvernement donne une conférence de presse chaque jour, qui est visible par tous sur YouTube, il reste difficile, pour un journaliste qui ne se montre pas forcément partisan des idées ultralibérales, d’avoir une interview avec un ministre, un député ou un membre du gouvernement. Donc les relations sont clairement tendues entre la présidence et la presse.

La crainte d’une dérive autoritaire

Beaucoup de journalistes craignent que cette tendance aux généralisations et aux insultes n’aboutisse à des attaques physiques. Le fait que l’État, à travers la figure du président, s’en prenne à la presse, valide, autorise et incite même à la violence. Car le mépris et les moqueries proviennent non seulement du président, mais aussi des ministres.

On voit aussi se développer, à cause des attaques sur les réseaux sociaux, un phénomène de harcèlement numérique contre certains journalistes, qui se sentent donc persécutés, menacés et stigmatisés. On s’inquiète également des risques de dérive autoritaire avec la fermeture il y a un mois de l’agence de presse argentine Télam. Plus récemment, dans un projet de loi approuvé mardi par les députés, il est question de privatiser la télévision et la radio publiques.

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