En Inde, Modi rattrapé par un énorme scandale de corruption présumée – L’Express

En Inde, Modi rattrapé par un énorme scandale de corruption présumée – L’Express

Le ciel était jusqu’ici au beau fixe pour Narendra Modi. Après dix ans au pouvoir, sa reconduction à la tête de l’Inde pour un troisième mandat semblait une simple formalité. Mais, à la veille des élections générales qui vont se dérouler du 19 avril au 1er juin, le leader nationaliste hindou, 73 ans, est éclaboussé par un scandale monumental.

Le 15 février dernier, la Cour Suprême a mis fin à un système de financement de la vie politique particulièrement opaque, mis sur pied en 2018 par le premier gouvernement Modi. Cette usine à gaz était censée faire disparaître l’argent sale des campagnes électorales en faisant transiter les dons par les banques, tout en masquant l’identité des donateurs. Et c’est là tout le problème : pour les magistrats, ce dispositif « violait le droit à l’information » du milliard d’électeurs que compte le géant d’Asie du Sud.

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Le dispositif reposait sur les « electoral bonds », des obligations bancaires exonérées d’impôt et non plafonnées, que toute personne privée, particulier ou entreprise, pouvait acheter sous le sceau de la confidentialité auprès de la plus grande banque publique du pays, la State Bank of India (SBI). Passé un certain délai, la SBI versait l’argent sur les comptes bancaires des formations politiques, en suivant les consignes des généreux donateurs.

Condamnée par la Cour Suprême à révéler qui a donné et qui a reçu, la SBI a communiqué ses chiffres à la mi-mars. Les Indiens ont alors découvert les montants faramineux que ces « obligations électorales » avaient permis de reverser en six ans : l’équivalent de 1,83 milliard d’euros. Le parti de Narendra Modi, le BJP, a capté à lui seul 50 % de cette énorme enveloppe, laissant aux 2 400 autres formations politiques le soin de se partager le reste. Le Parti du Congrès de la dynastie Nehru-Gandhi a, notamment, touché moins de 12 % du total.

Une générosité sous contrainte

Dans la perspective des élections du printemps 2024, le BJP a continué à recourir abondamment à ce stratagème ces derniers mois, en attirant à lui 926 millions d’euros supplémentaires, qu’il va pouvoir toucher. Cette année, le scrutin pourrait bien battre le record des législatives de 2019, les plus chères de tous les temps, tous pays confondus, selon le Centre for Media Studies (CMS) de New Delhi, avec 6,1 milliards d’euros dépensés : grâce aux « obligations électorales », donc, mais aussi aux dons en direct de la diaspora indienne, la deuxième plus importante au monde, et à l’argent que captent les temples hindous, en numéraire ou en or, auprès des croyants.

Voilà déjà plusieurs années que l’Association pour les réformes démocratiques (ADR), en Inde, dénonce un système « ouvrant les vannes de dons indéfinis et mystérieux, tout en légitimant l’injection d’argent illicite dans le processus électoral et politique ». L’affaire aurait pu en rester là si une autre révélation n’avait eu lieu, beaucoup plus embarrassante pour Modi. Des conglomérats dirigés par des oligarques proches du chef du gouvernement, comme les milliardaires Gautam Adani ou Mukesh Ambani, ont sans surprise versé leur obole à travers d’obscures filiales. Mais la presse locale a découvert que nombre d’autres entreprises s’étant montrées généreuses l’avaient été en réalité sous la contrainte.

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Au nombre d’une vingtaine environ, les principaux donateurs intervenaient dans le secteur des infrastructures. Dépendant des marchés publics et du bon vouloir des élus, ils ont acheté des « electoral bonds » après avoir fait l’objet de toutes sortes de pressions, sous forme d’enquêtes et de perquisitions – de la part de l’administration fiscale ; d’une agence de l’Etat qui traque les délits économiques, et du Bureau central d’enquête, équivalent indien du FBI, chargé de la sécurité nationale. « Cela s’appelle de l’extorsion et c’est la pire corruption qui soit », a commenté Prashant Bhushan, avocat à la Cour suprême, sur son compte X (anciennement Twitter).

Pour Jairam Ramesh, porte-parole du Parti du Congrès, on a « terrifié des gens » et il s’agit du « plus grand scandale de l’Inde indépendante ». L’image de Modi en ressort ternie : candidat « antisystème », il avait conquis le pouvoir en 2014 en promettant d’éradiquer la corruption caractérisant, selon lui, ses opposants. Le dirigeant nationaliste a fini par être pris les doigts dans le pot de confiture.

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