Inde : sommée de stopper ses activités bancaires, la fintech Paytm dévisse en Bourse

Que va devenir Paytm, le champion du paiement numérique indien ? Le 31 janvier, la Banque centrale indienne (RBI) a ordonné à l’entreprise de mettre fin aux activités de sa branche bancaire, évoquant des « préoccupations sur la gouvernance » de Paytm et une « non-conformité persistante » de l’entreprise star des paiements instantanés .

La décision de la RBI a porté un coup dur à la fintech. En quelques jours, le titre de l’action a dévissé de 40 %, portant la valorisation du groupe à 3,4 milliards de dollars, soit une chute de 80 % par rapport à 2021, date de son entrée en Bourse. Lundi, la Bourse de Bombay a limité la fluctuation journalière du cours de l’action à 10 %. L’action a encore baissé jeudi de près de 10 %.

Selon certains médias indiens, la RBI aurait décidé de sévir contre One97, la maison mère de Paytm, après que l’entreprise a échoué à se mettre en conformité avec la réglementation bancaire indienne, et ce malgré les nombreux avertissements du régulateur.

Des infractions multiples

La liste des infractions est longue. En particulier pour ce qui est du « KYC » (« Know your customer »), c’est-à-dire des procédures permettant à l’établissement bancaire d’authentifier l’identité de ses clients.

Des milliers de comptes auraient ainsi été ouverts sans que Paytm ne connaisse la véritable identité de leurs détenteurs. Lors d’un audit, la RBI aurait aussi découvert l’existence de 310 millions de portefeuilles inactifs qui serviraient au blanchiment d’argent. Plusieurs milliers de comptes auraient par ailleurs été ouverts avec un seul et même numéro d’identification fiscale. Certains clients auraient effectué pour plusieurs dizaines de millions de roupies de transactions, bien au-delà des plafonds auxquels les comptes bancaires Paytm sont soumis.

Rentabilité plus que jamais menacée

La RBI a donné jusqu’au 29 février à la plateforme pour mettre fin aux dépôts des particuliers sur leurs comptes Paytm. Les clients auront le choix entre retirer leurs dépôts ou bien les dépenser. La banque centrale envisagerait par ailleurs de retirer à l’entreprise sa licence bancaire dès le mois de mars. La fintech bénéficie actuellement d’une licence bancaire restreinte, qui lui permet d’accepter des dépôts mais pas de prêter à ses clients. Les dépôts sont limités à 200.000 roupies, soit 2.239 euros.

C’est un revers de taille pour Paytm. Car l’entreprise bataille depuis plusieurs années pour atteindre la rentabilité. Le développement de ses services bancaires était d’ailleurs l’une des stratégies déployées par le groupe pour diversifier ses sources de revenus – les paiements digitaux étant, eux, très peu rentables puisque gratuits.

La décision de la RBI « entrave considérablement la capacité de Paytm à fidéliser ses clients et les retenir dans son écosystème et cela l’empêche de vendre des produits de paiements et des produits de prêt, ont réagi dans une note les analystes de chez Macquarie. Les revenus et la profitabilité sur le moyen et le long terme pourraient être considérables. » Avec cette décision, l’entreprise, qui emploie 35.000 personnes, pourrait à l’inverse voir ses bénéfices avant impôts chuter de 30 %, toujours selon Macquarie.

Dégringolade en Bourse

Paytm est l’un des champions du paiement numérique en Inde. L’entreprise fait partie, avec PhonePe, Google Pay et d’autres, de ces acteurs privés qui se sont greffés au « United Payment Interface » (UPI), l’infrastructure numérique publique ouverte et interopérable qui permet de virer des sommes d’argent instantanément d’une banque à l’autre. La technologie est ultra-populaire en Inde : la majorité des commerçants, même les vendeurs ambulants , disposent d’un QR code qui permet aux clients de payer avec leur téléphone portable.

Paytm avait fait une entrée fracassante en Bourse en 2021, levant 2,5 milliards de dollars, pour une valorisation estimée à l’époque à 20 milliards. Mais le titre de l’action avait rapidement chuté à cause des doutes pesant sur la capacité de l’entreprise à atteindre la rentabilité. L’action avait également souffert des déboires avec les autorités. En 2022 déjà, la RBI avait ordonné à Paytm de ne plus accepter de nouveaux clients . Là aussi, les inquiétudes portaient sur le non-respect des règles bancaires.