Narendra Modi annonce le début d’une « nouvelle ère »

Narendra Modi annonce le début d’une « nouvelle ère »

Lundi  22  janvier, la cité antique d’Ayodhya revêtait ses couleurs de fête pour l’inauguration en grande pompe du temple Ram. Construit sur les ruines d’une ancienne mosquée détruite en 1992 par des extrémistes hindous, haut de 50 mètres et d’une superficie de 5 000 mètres carrés, ce temple était une promesse du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP). Trente ans plus tard, celle-ci est tenue par le Premier ministre, Narendra Modi.

En 1992, la destruction de la mosquée Babri Masjid, construite au XVIe siècle, avait entraîné de violentes émeutes religieuses, tuant près de 2 000 personnes, majoritairement musulmanes. Les Hindous, qui composent 80 % de la population indienne, sont fermement convaincus que l’endroit abriterait le lieu de naissance du dieu Ram. Depuis des décennies, ils réclamaient la construction d’un temple hindou en lieu et place de la mosquée. En 2019, la Cour suprême indienne, qui avait pourtant jugé illégale la destruction du lieu de culte, a finalement autorisé la construction du temple, tranchant sur un dossier explosif vieux de plusieurs décennies.

Aujourd’hui, le dieu Ram n’est plus seulement une divinité : en déclarant le 22 janvier 2024 l’« avènement d’une nouvelle ère », Narendra Modi l’érige en symbole du nationalisme hindou, dans un pays où la laïcité est de plus en plus contestée. Outre les musulmans, ce sont les chrétiens qui sont harcelés par les hindous : ainsi, l’association Portes ouvertes observe une hausse des persécutions depuis 2014 et l’accession au pouvoir du parti BJP. Violences, arrestations aléatoires, mais également dégradations de lieux de culte sont ainsi observées à travers le pays. 

Outre les musulmans, ce sont les chrétiens qui sont harcelés par les hindous

« C’est un phénomène qui a vraiment augmenté avec l’arrivée de Modi au pouvoir, puisque son parti est ultranationaliste et fondé sur la religion. Il est en train de créer quelque chose de religieux », explique André Gattolin, ex-sénateur Renaissance. Sur 1,4 milliard d’Indiens, 71,1 millions se revendiquent chrétiens. De leur côté, les musulmans sont 200 millions, plaçant l’Inde à la tête des pays abritant le plus de musulmans au monde, derrière l’Indonésie. Pourtant, chrétiens comme musulmans sont « victimes d’ostracisme, voire d’exclusion au quotidien », explique André Gattolin. Selon l’ancien député, l’inauguration du temple de Ram est une « affirmation haut et fort » de cette dérive autoritaire assumée par Modi. Ainsi, l’agressivité à l’encontre des minorités se retrouve également dans les discours politiques : « Il y a une violence dans le discours religieux, pour lequel ces religions ne devraient plus avoir droit de cité. Mais la violence est de facto endémique dans la société indienne », considère André Gattolin.

Après le temple de Ram, ce sont d’autres mosquées et sites musulmans qui sont visés par les nationalistes hindous. Parmi eux, le Taj Mahal, symbole de l’Inde à l’international. À Ayodhya, le temple de Ram n’est pas encore achevé. Pourtant, la date de son inauguration ne tient pas du hasard. À quelques mois seulement des prochaines élections législatives, qui auront lieu entre mars et avril, son inauguration marque le lancement de la campagne de Narendra Modi. Dans son viseur, un troisième mandat. En lançant sa campagne sur un événement aussi clivant, le Premier ministre indien espère bien séduire les 80 députés de l’État d’Uttar Pradesh, l’un des plus peuplés du pays. Au Parlement indien, ces derniers composent une grande partie de la Lok Sabha, la chambre basse.

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« Un pari politique qui bénéficie d’un climat propice, conclut André Gattolin. Le contexte international est tellement à feu et à sang et l’Inde étant indispensable dans les équilibres de la région, cela fera peu l’objet de critiques vives à l’étranger. » La plus grande démocratie du monde, du moins en nombre de citoyens, serait-t-elle en train de basculer dans un nouveau régime politique ?

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