Comment les immigrés italiens se sont-ils intégrés dans l’Algérie coloniale ?

Comment les immigrés italiens se sont-ils intégrés dans l’Algérie coloniale ?

L’histoire contemporaine de l’Algérie est un domaine majeur de l’ histoire coloniale, mais elle intéresse aussi les historiens de l’immigration, car l’Algérie a été une terre d’accueil pour un grand nombre de migrants, la plupart d’entre eux venus d’Espagne ou d’Italie. Dans son ouvrage Les Italiens à Bône (1865-1940). Migrations méditerranéennes et colonisations de peuplement en Algérie, Hugo Vermeren a montré l’importance de la présence italienne en Algérie dès le début du XIXe siècle. Il s’agissait alors de migrations saisonnières dans le cadre d’une activité centrée sur la pêche et la récolte du corail. Ces « mobilités périodiques » se traduisaient par des installations provisoires sur le littoral nord-africain qui délimitaient un espace de travail éloigné des centres de financement concentrés dans les villes italiennes.

LSD, la série documentaire

57 min

Un protectionnisme administratif qui traduit une méfiance des colons français envers une immigration italienne

En 1832, l’armée française prit le contrôle de Bône (aujourd’hui Annaba) – la ville où la présence italienne était la plus importante. Craignant de voir les ressources halieutiques et coraillères détournées au profit de l’Italie, le gouvernement français s’efforça, sans grand succès, d’encourager l’émigration de colons de la métropole vers l’Algérie. Ce fut notamment le but de la circulaire adoptée le 30 août 1838, permettant aux aspirants colons de bénéficier de voyages gratuits depuis Toulon.

À partir des années 1870-80, les fondateurs de la IIIe République s’engagèrent dans une politique de francisation des immigrants étrangers, concrétisée par la loi de 1889 sur la nationalité française et la loi de 1893 sur la protection du travail national. L’étude des dossiers de naturalisation montre qu’en Algérie, la qualité de français devint de plus en plus indispensable pour pouvoir exercer la pêche et l’administration commença même à distinguer les « Français de souche » et les « naturalisés ».

Ce protectionnisme administratif traduisait la méfiance des colons envers une immigration italienne qui était pourtant indispensable sur le plan économique. Mais ce qui frappe le plus lorsqu’on examine les réflexions et les débats de l’époque sur les nationalités et le « cosmopolitisme » en Algérie, c’est la faible place accordée à la population algérienne, reléguée au rang d’indigènes.

L’origine italienne des Français d’Algérie exploitée par Mussolini lorsqu’il est arrivé au pouvoir

Les mesures visant à accélérer la francisation des immigrés italiens n’ont pas empêché la croissance d’une communauté franco-italienne. Celle-ci a servi de support pour la stratégie clientéliste développée pour des politiciens locaux, comme Jérôme Bertagna. Celui-ci a pu ainsi occuper une position hégémonique dans la municipalité de Bône à la fin du 19e siècle.

Mais cette logique identitaire a pris une tournure beaucoup plus radicale lorsque Mussolini est arrivé au pouvoir. L’origine italienne des Français d’Algérie a été, en effet, exploitée par le Duce qui cherchait à renforcer son influence au Maghreb. Par contre coup, les Français d’origine italienne sont devenus suspects aux yeux de l’extrême droite française, ce qui a nourri la xénophobie à leur égard.

Nous avons là un nouvel exemple qui montre comment la politisation des identités place dans une position impossible celles et ceux qui en sont les victimes. Encore une leçon d’histoire qui reste malheureusement très actuelle.

Bibliographie

  • Hugo Vemeren, Les Italiens à Bône (1865-1940). Migrations méditerranéennes et colonisations de peuplement en Algérie, Publications de l’École française de Rome, 2022.

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