Cameroun : peut-on concilier consommation et préservation des animaux sauvages

Cameroun : peut-on concilier consommation et préservation des animaux sauvages

Vendeuse de viande sauvage au Congo

Crédit photo, Brent Stirton_Getty Images pour la FAO

  • Author, Ibrahim Zongo
  • Role, Journaliste – BBC Afrique

La viande de brousse constitue une importante source de protéines, de matières grasses et autres nutriments pour des millions de personnes. Elle représente jusqu’à près de 80% des besoins nutritifs des populations autochtones et des communautés rurales. Mais les chasseurs n’épargnent pas toujours les espèces protégées.

La consommation du gibier est sans cesse croissante, surtout en zone urbaine.

Conséquence, la chasse devient intensive, non seulement pour satisfaire les besoins alimentaires des communautés rurales mais aussi pour la rente financière liée à la forte demande en ville.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « la chasse excessive d’animaux pour s’approvisionner en viande de brousse menace des centaines d’espèces sauvages d’extinction ».

L’organisation qui intervient dans plusieurs pays d’Afrique alerte que si la chasse d’animaux n’est pas réduite à un niveau durable, « les populations d’espèces sauvages déclineront et les communautés rurales souffriront d’une insécurité alimentaire croissante ».

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Une filière hors de contrôle ?

Au Cameroun, la viande de brousse se consomme aussi bien dans les domiciles que dans les restaurants.

Des marchés spécialisés sont fréquents mais le circuit reste caché en raison des textes interdisant le braconnage et la chasse intensive dans le pays. Dans ces marchés, seul le client est roi ! Micros et caméras y sont interdits.

La commercialisation du gibier « se fait aux yeux et au su de tous, même les espèces dont la commercialisation est officiellement interdite par la loi, notamment le pangolin », mais personnes ne veut en parler, explique Jean-Charles Biyo’Ella, correspondant de BBC Afrique à Yaoundé, la capitale.

En 2014, le gouvernement a renforcé le contrôle dans les marchés en raison de l’épidémie d’Ebola signalée en République Démocratique du Congo et dans plusieurs autres pays du continent.

Depuis, quoiqu’il « n’existe presque plus de contrôle », c’est l’omerta dans ces marchés où la commercialisation de la viande de brousse se poursuivit, explique notre correspondant qui était dans l’un des marchés de viande de brousse à Yaoundé.

Marché de gibiers au Congo.

Crédit photo, Brent Stirton_Getty Images pour la FAO

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Marché de gibiers au Congo.

La chasse continue « d’alimenter des marchés urbains via des filières qui ne sont pas contrôlées et qui constituent un risque à la fois pour la préservation de la biodiversité et de la santé publique », déplore Armand Asseng Ze, chargé d’appui à la mise en œuvre des projets du secteur forêt et environnement à la FAO Cameroun.

Plusieurs acteurs tentent d’amener les acteurs de la filière viande de brousse dans le pays à concilier consommation des animaux sauvages et préservations des espèces animales sauvages menacées par le braconnage.

De la forêt aux marchés ou restaurants, la filière est longue et difficile à combattre, indique Ludovic Abanda, un promoteur touristique engagé dans la sensibilisation à partir des communautés de base.

Pour elles, « elles ont l’habitude de consommer (ndlr : ces animaux sauvages), le pangolin la gazelle… pourquoi arrêter cela maintenant? »

Le cas le plus récent d’espèces en voie de disparition au Cameroun, est l’éléphant de forêt dans le parc national du Campo Man, dit-il. Jusqu’en 2002, le pays comptait une grande population de cette espèces au monde.

Mais à ce jour, beaucoup « ont été tués et d’autres ont traversé littéralement la frontière pour aller en Guinée Equatoriale où ils sont mieux protégés », explique Ludovic Abanda.

La chasse durable comme solution

Pour faire face à la menace, la FAO a lancé, en partenariat avec le gouvernement camerounais, le Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme).

Financé à près d’un milliards de francs CFA, le programme vise à changer le comportement de quelque 6 000 chasseurs à travers le pays.

Il ne s’agit pas de leur demander d’arrêter « leur exploitation » mais de « trouver des alternatives », explique Armand Asseng Ze.

C’est une « approche participative qui leur permettra de prendre conscience de ce que les animaux sauvages ne demeureront pas éternellement » à cette allure.

Aussi, il prévu est, la mise en place de « techniques agricoles » qui incluent l’apprivoisement de certaines espèces sauvages.

Il s’agit, dit-il, d’accompagner ces chasseurs à travers des formations à l’élevage domestique des espèces qui leur servent le plus de sources de revenus.

Armand Asseng Ze, chargé d’appui à la mise en œuvre des projets du secteur forêt et environnement à la FAO Cameroun

Crédit photo, FAO

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Armand Asseng Ze, chargé d’appui à la mise en œuvre des projets du secteur forêt et environnement à la FAO Cameroun.

Quoique la sensibilisation passe difficilement au niveau de certaines communautés, certaines initiatives commencent à porter fruits dans la partie nord du Cameroun.

C’est le cas du pangolin géant dont l’espèce est en extinction totale dans plusieurs pays. Cet animal très vulnérables a longtemps fait les frais de braconniers, ses écailles étant chers vendus.

La plupart des « jeunes n’ont jamais vu le pangolin géant » en raison de la rareté de cette espèce, affirme Ludovic Abanda.

Mais depuis trois ans, poursuit-il, la population de pangolin a augmenté.

« On est pas de trois pangolins adultes vus à huit et de plus en plus, lorsqu’un pangolin géant est pris dans un piège les populations, elles-mêmes nous appellent pour venir le récupérer », se réjouit-il.

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