vers un dégel des relations

vers un dégel des relations


Après près de dix-neuf mois de crise diplomatique entre Madrid et Alger, les choses semblent aller vers plus de calme. L’Algérie, selon nos sources, vient de décider de nommer son nouvel ambassadeur à Madrid – en attendant l’aval protocolaire de Madrid qui ne tardera pas – après une vacance de ce poste depuis le 19 mars 2022. D’après plusieurs médias, Alger a nommé, en remplacement de Saïd Moussi, actuellement ambassadeur à Paris, l’ancien numéro deux de l’ambassade à Madrid et ex-ambassadeur en Guinée Conakry, Abdelfattah Daghmoum.

Pour rappel, Alger avait décidé de rappeler son ambassadeur au lendemain de la publication par Rabat d’un communiqué le 18 mars 2022, y indiquant que « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend », reprenant les affirmations du président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.

Mesures de rétention

Dans son message adressé au roi Mohammed VI, Sanchez annonçait ainsi non seulement la fin de la crise diplomatique et le rétablissement complet des relations entre les deux pays après de longs mois de crise, mais affirmait donc son soutien à l’intégrité territoriale du Maroc.

Quelques semaines plus tard, en juin, Alger, ne se contentant pas de rappeler son ambassadeur et de lancer moult mesures économiques – augmentation du prix à l’export du gaz, suspension de lignes aériennes, blocages des importations d’Espagne –, est revenu à la charge après la confirmation de la position espagnole par Sanchez devant le Parlement, en suspendant la Traité d’amitié de bon voisinage et de coopération avec Madrid.

Depuis, les retombées économiques de cette rupture n’ont cessé de peser sur la relation bilatérale avec une baisse de plus de 80 % des exportations espagnoles vers l’Algérie. Des centaines d’entreprises espagnoles mais aussi algériennes ont été violemment affectées par ces mesures de rétention, sans oublier les désagréments humains pour cause de rareté des liaisons aériennes entre les deux pays.

Sanchez tient le coup

L’Algérie a, tout au long de cette crise, concentré ses piques contre la personne même de Pedro Sanchez. Dans une interview à Al-Jazira, en mars 2023, le président Abdelmadjid Tebboune considéra que « la position de l’Espagne vis-à-vis du Sahara occidental » est une « position individuelle du gouvernement Sanchez ».

La projection algérienne sur ce dossier fut alors conditionnée par le départ de Sanchez de la tête du gouvernement dans la perspective des législatives qui étaient prévues fin 2023. Mais l’accélération des événements politiques internes en Espagne a bousculé ces calculs. Finalement, les législatives anticipées de juillet ont rebattu les cartes : Pedro Sanchez a finalement été chargé par le roi Felip VI, début octobre, de former un nouveau gouvernement d’ici le 27 novembre et la hargne algérienne contre lui se dégonfla de toute perspective.

Beaucoup tablaient sur la poursuite de la crise tant que Sanchez est aux commandes, mais deux facteurs essentiels fragilisaient cette optique.

Rétropédalage ?

D’abord pour Alger, il était « illusoire, et même suicidaire d’arrimer toute (sa) politique de voisinage et de coopération multipolaire avec les Espagnols – une des plus vertueuses entre nord et sud de la Méditerranée – à la seule base de l’hostilité contre Sanchez », estime un ancien diplomate algérien. Ensuite, des signaux madrilènes sont venus nuancer la position sur le Sahara occidental. En juin 2023, le gouvernement espagnol informa Rabat de son refus de lui céder, à la suite de négociations lancées il y a quelques mois, le contrôle aérien des territoires contestés du Sahara occidental. C’est en fait l’ancienne puissance coloniale qui, selon les règles de l’Organisation onusienne de l’aviation civile internationale, gère cet espace aérien à partir des Canaris. Fin septembre, lors de la 77e Assemblée générale de l’ONU, Pedro Sanchez a demandé lors de son discours que l’on parvienne, dans le dossier du Sahara occidental, à « une solution politique mutuellement acceptable dans le cadre de la Charte des Nations unies et des résolutions du Conseil de sécurité », tout en précisant que l’Espagne continue de soutenir « le travail fondamental de l’envoyé spécial de l’ONU ». Une attitude perçue à Alger comme un rétropédalage, d’autant que Sanchez a évité de rappeler à l’ONU son précédent positionnement pour la solution marocaine.

Nouvelles séquences

C’est d’ailleurs lors de ce même événement à l’ONU que des contacts entre parties algérienne et espagnole ont été établis, selon Djamel Eddine Bouabdallah, président du Cercle de commerce et d’industrie algéro-espagnol (CCIAE). « Il y a eu des contacts entre les deux parties en septembre à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Il y a eu une entente sur un retour progressif des relations entre l’Algérie et l’Espagne », confia Djamel Eddine Bouabdallah au site d’information algérien TSA.

Depuis, d’autres signes d’apaisement ont marqué ce début de retour à la normale, comme la visite, fin octobre, à Alger, du patron du géant pétrolier et gazier espagnol Naturgy, Francisco Reynés, qui a été reçu par le PDG du groupe Sonatrach, Rachid Hachichi. Il est annoncé également le retour progressif des liaisons aériennes – le vol Alger-Palma a été rouvert début octobre. Sur le plan politique, de nouvelles séquences seront enclenchées après l’aval de Madrid du nouvel ambassadeur Abdelfattah Daghmoum, notamment la reprise des réunions techniques, puis politiques à différents niveaux et des échanges de visites officielles, pour aboutir « à moyen terme » selon nos sources, à la relance du Traité d’amitié.


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