L’ambassadeur chinois en France reconnaît « un mécontentement »
L’ambassadeur chinois en France reconnaît « un mécontentement »
Pour étayer son propos, cet adepte de Twitter et Thinkerview et Livre Noir, des chaînes Youtube qui séduisent la complosphère et où il a déjà été invité, met en avant le bilan officiel (et contesté) du nombre de morts en Chine à cause du Covid-19 (un peu plus de 5.000 contre près de 160.000 en France par exemple). Et l’ancien vice-maire de Wuhan de désigner un premier coupable à la situation: « pour endiguer les contaminations, les gouvernements locaux ont appliqué des méthodes rigides, simples, poursuit-il. Ils n’ont pas suivi l’approche scientifique, lisible, du gouvernement chinois qui a annoncé, le 11 novembre, 20 mesures afin d’assouplir cette approche (du ‘zéro Covid’). »
Cette communication pointe notamment du doigt les autorités de la province ouïgoure du Xinjiang puisque c’est à Urumqi, la capitale régionale, que s’est déclenché l’incendie mortel, point de départ de la vague de colère. Quant à ces fameuses 20 mesures, elles tablent notamment sur une accélération de la vaccination des personnes âgées – seuls 65,8% des habitants de plus de 80 ans sont pleinement vaccinés d’après la Commission nationale de la santé. « C’est parce que le gouvernement a trop bien protégé la population que celle-ci pense qu’elle n’a pas besoin de se faire vacciner » plaide l’ambassadeur chinois.
« Des forces étrangères anti-chinoises… »
Alors que ces manifestations, nourries des slogans « Xi Jinping démission » ou « A bas le Parti communiste », confèrent à cette crise une forte dimension politique, Lu Shaye, livre un deuxième coupable. L’Occident. « Cela montre que des forces étrangères anti-chinoises ont utilisé des éléments intérieurs en Chine pour semer la discorde dans le pays, juge-t-il. Comme on l’a vu à Taïwan ou Hong-Kong, les forces occidentales n’hésitent pas à nous déstabiliser. » Dans le viseur de cet ex-ambassadeur au Canada, qui s’était distingué en prenant avec force la défense de la fille du fondateur de Huawei, arrêtée à Vancouver en 2018, on retrouve les États-Unis. « Les Américains ne veulent pas voir le développement de la Chine, s’agace-t-il. Lors du dernier G20 en Indonésie, le président américain a fait des promesses d’apaisement puis a pris quelques jours plus tard de nouvelles sanctions contre la Chine. » Le 25 novembre, Washington a en effet interdit la vente de tout nouveau produit sur le sol américain à plusieurs firmes chinoises dont Huawei, ZTE ou le spécialiste de la vidéosurveillance Hikvision.
S’agissant de l’origine du Covid-19, l’ex-patron du centre de réflexion du bureau des affaires étrangères du parti communiste, reprend la théorie relayée par la propagande chinoise, à savoir que le virus aurait pu être causé par l’importation en Chine de produits surgelés venus de l’étranger. Une hypothèse qui a toujours laissé sceptique les experts (virologues, épidémiologistes…). Le diplomate va même plus loin en enjoignant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à aller investiguer aux États-Unis. « L’OMS a déjà presque exclu totalement le fait que le virus puisse être issu d’un laboratoire chinois (en réalité, l’organisation, qui fait du surplace sur ce sujet, a déclaré que « toutes les hypothèses restent ouvertes », Ndlr), ajoute Lu Shaye. La plus grande possibilité est celle d’une fuite dans un laboratoire américain. On sait qu’à Fort Detrick (centre biomédical militaire américain) il y a eu des accidents en 2019. L’OMS doit aller voir dans ces laboratoires-là. » Si cet argument est régulièrement repris par la mouvance complotiste sur l’origine du virus, il ne repose à ce jour sur rien de sérieux.
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Les réseaux sociaux sont purgés par les autorités
Conscient de la période de fortes turbulences que traverse un État-Parti dans lequel Xi Jinping dispose plus que jamais des pleins pouvoirs depuis le XXe Congrès, Lu Shaye se veut confiant. « Le gouvernement chinois suit des principes fondamentaux qui placent le peuple et la vie par-dessus tout. C’est la pensée préconisée par le président Xi Jinping et si des souhaits sont exprimés par le peuple, le gouvernement en tiendra compte. » Reste que les images montrant une police chinoise sur les dents, multipliant les arrestations – dont un journaliste de la BBC – et une censure féroce purgeant les réseaux sociaux chinois de toute information sur ces manifestations, contreviennent au discours officiel. « La Chine gère cela comme n’importe quel pays » se redresse Lu Shaye, évoquant la crise des Gilets jaune, et redevenu soudain carnassier.
Witnessed a BBC journalist got sieged and dragged to the ground by several cops in Shanghai earlier tonight on the Urumqi Rd. His friend said he was targeted becuz he was filming the protest. (feel free to @ his handle if you know who this journalist is ) @BBCNews @BBCNewsAsia pic.twitter.com/tPgoPET3hg
— Shanghaishanghai (@Shanghaishang10) November 27, 2022
Making of. La rencontre a eu lieu le 28 novembre à l’hôtel de Montesquiou (7e arrondissement de Paris), propriété depuis 2012 de l’ambassade de Chine, autrefois le siège du ministère de la Coopération – celui de la « Françafrique. » Alors que le personnel réceptionne des extincteurs, l’entretien se déroule dans un confortable salon à moquette, en présence de la cheffe du service politique et du conseiller presse, venus assister silencieusement leur patron.
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