Paris «regrette» l’interdiction des ONG financées par la France

Paris «regrette» l’interdiction des ONG financées par la France

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Deux jours après l’interdiction immédiate des ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire, la France déplore ce mercredi 23 novembre « une décision qui intervient au détriment de la population malienne ». Les modalités d’application de cette décision sont encore très floues, mais certaines organisations ont préféré prendre les devants et ont d’ores et déjà suspendu leurs activités.

Depuis 2013, l’aide publique au développement de la France vers le Mali a représenté plus de 100 millions d’euros par an. En février dernier, l’essentiel de cette aide avait déjà été coupée par la France, qui avait mis un terme aux financements transmis directement à l’État malien.

Une source diplomatique française explique que cette décision a été prise « pour éviter que cet argent ne serve à payer le groupe russe Wagner, mais aussi pour éviter que le gouvernement malien ne se prévale de certaines réalisations aux yeux des populations » alors que c’est la France, devenue la bête noire des autorités de transition, qui les aurait financées. C’est justement pour cette raison que, dans son communiqué publié lundi soir, le gouvernement malien qualifie la suspension de l’aide au développement de la France de « non-événement ».

Le mois dernier, Paris décide de couper une autre partie de son aide : les fonds consacrés au développement et alimentant non pas le budget malien, mais les ONG travaillant au Mali, qu’elles soient françaises – il y en a une quarantaine –, maliennes ou d’autres nationalités. Certaines de ces organisations sont financées via des projets de l’ambassade, d’autres via l’Agence française de développement (AFD), d’autres encore par le biais d’autres ONG avec qui elles travaillent en partenariat ou en sous-traitance. De source diplomatique toujours, cette part de l’aide française au Mali représente une vingtaine de millions d’euros chaque année.

L’aide humanitaire d’urgence, environ 10 millions d’euros, devait quant à elle être maintenue. Bamako en a décidé autrement, au nom de la souveraineté nationale et de la défense des intérêts vitaux des populations.  

Les autorités françaises indiquent être en contact avec le ministère malien des Affaires étrangères pour mieux comprendre les modalités d’application de cette décision. En attendant, Paris recommande aux ONG françaises présentes au Mali de respecter la décision de Bamako et de suspendre leurs activités.

Les suspensions affectent déjà les populations

Plusieurs ONG ont d’ores-et-déjà suspendu leurs activités, totalement ou en partie selon les cas, et ce pour des structures françaises, maliennes ou d’autres nationalités. Ces suspensions affectent déjà plusieurs centaines de bénéficiaires, dans le sud, le centre et le nord du Mali – ne serait-ce que celles dont RFI a eu connaissance.

Aucune des organisations jointes ne souhaite s’exprimer ouvertement, toutes espèrent pouvoir continuer de travailler dans le pays. Car les ONG françaises ne sont pas toutes financées intégralement par de l’argent public de l’État français, et des ONG maliennes et internationales financent avec de l’argent français certains programmes. Mais pas d’autres : les interprétations possibles de l’interdiction malienne sont donc très diverses.

« Pas de consignes claires »

Les responsables d’ONG expliquent avoir rapidement contacté leurs interlocuteurs habituels dans les ministères, sans obtenir de réponses. « Ils (nous) ont (dit avoir) appris la décision sur les réseaux sociaux », confie un humanitaire. « Ils n’ont pas reçu de consignes claires », assure un autre.

Certaines organisations ont fait le choix de suspendre totalement leurs activités, pour « montrer patte blanche » en attendant des précisions. D’autres n’ont suspendu que les programmes financés par la France et poursuivent les autres… en croisant les doigts. 

Un cadre d’une structure malienne, dépendant à environ 25 % d’argent public français s’inquiète : que faire lorsque ces fonds sont parfois affectés de manière transversale à plusieurs programmes ?

D’autres cadres associatifs, travaillant dans des zones fréquentées, voire dominées par les groupes jihadistes, expriment encore d’autres craintes : que cette décision du gouvernement ne serve de prétexte pour mettre un terme à certaines activités pas toujours bien perçues par les autorités. Comme pour les soins médicaux ou distributions alimentaires sans distinction entre les habitants, médiations intercommunautaires.

Se pose enfin la question de la nécessité vitale de certaines activités : « On peut arrêter temporairement de creuser des puits, résume enfin un cadre d’une ONG, mais débrancher des patients sous assistance respiratoire ne peut pas se faire de manière immédiate. Ou alors on comptera les morts. »

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