L’Algérie, la Suisse et l’île de Pâques, dans « Timbres magazine »

L’Algérie, la Suisse et l’île de Pâques, dans « Timbres magazine »

Dans son éditorial du numéro de janvier de Timbres magazine, Michel Melot relève quelques anniversaires auxquels seront peut-être sensibles les amateurs d’histoire postale les plus chevronnés, comme « le centenaire de la mise en service de la première machine à affranchir en France (…) ». « Le type III du 25 centimes bleu Cérès a été émis au début de 1874, ce qui fait un 150e anniversaire de belle facture même si ce timbre a surtout été collectionné par les planchistes [les adeptes de planchage, de reconstitution de la planche de timbres] et autres amateurs d’oblitérations gros chiffres. Ne surtout pas oublier le 150e anniversaire de l’Union générale des postes créée le 9 octobre 1874 et qui se transformera en Union postale universelle quelques années plus tard. »

« Timbres magazine », janvier 2024, n° 262, 100 pages, 6,90 euros. En vente en kiosques.

Mais l’année « 2024 sera surtout placée sous le signe des Jeux olympiques qui se tiendront en France, en juillet, le centenaire des Jeux olympiques de Paris [en juillet-août], marquant aussi le centenaire des Jeux organisés dans notre pays voici cent ans ». « L’occasion de démarrer une belle collection », relève le rédacteur en chef de la revue.

Michel Melot termine son éditorial en remarquant l’incongruité de l’émission « en janvier des carnets avec des timbres aux [valeurs] faciales obsolètes »… Il s’agit en effet du carnet « Marianne de l’Avenir 2023. Type Cérès 1938. 85 ans », qui contient, entre autres, six timbres à 1,80 euro, la valeur d’affranchissement de la lettre à l’international en 2023, passé à 1,96 euro le 1er janvier. Ou comment mettre en vente des timbres qui ne servent à rien, pour le seul plaisir des philatélistes…

Le mensuel publie une rétrospective des émissions de timbres de 2023… A la différence de la « comptabilité » restrictive proposée par Atout timbres, tout est compté !

Résultat, « avec un budget de 720 euros, le millésime 2023 est en hausse de 20 % par rapport à l’an passé. Pour acquérir les produits spéciaux et les souvenirs philatéliques, il a fallu débourser la somme de 515 euros, comme en 2022. Le coût des collectors est en baisse cette année : 73 euros contre 130 euros. La facture des autocollants dits d’entreprise s’envole avec plus de 2 800 euros. L’arrivée de la nouvelle Marianne y est pour beaucoup ».

Certes, collectionner, c’est choisir, mais on arrive à des totaux stratosphériques qui risquent d’inciter les collectionneurs à passer leur tour.

Timbre algérien de 2003.

Ce point d’actualité passé, Guy Coutant propose la première partie d’une histoire de l’Algérie illustrée par les timbres. Les six pages commencent par l’Algérie d’avant l’arrivée des Français, illustrée de vignettes postales sur les peintures rupestres du parc national de Tassili n’Ajjer, sur les effigies des rois numides (Massinissa, Jugurtha, de Syphax, etc.), sur les mosaïques de villas romaines…

Puis c’est l’époque de la christianisation, de l’arrivée des Vandales (tablettes sur des timbres de 2003), la conquête des Arabes, la succession des dynasties (les Rostémides, Zirides, Zianides, etc.)… jusqu’à la conquête française de l’Algérie qui « commence en 1830 avec le débarquement d’un corps expéditionnaire à Sidi-Ferruch (…). Elle va se terminer en 1847 avec la reddition d’Abdelkader (1808-1883) » et l’intervention du général Bugeaud décrit aujourd’hui comme un « bourreau ». « L’Algérie est divisée en trois départements : Alger, Oran et Constantine. »

l’émir Abdelkader et le maréchal Bugeaud, timbre paru en 1950.

Puis, « la France progresse vers le sud et il faut un demi-siècle pour obtenir la soumission des tribus des Touaregs algériens qui peuplent le Sahara. Cette conquête est surtout l’œuvre du général Laperrine (1860-1920), tandis qu’un autre Français, Charles de Foucauld (1858-1916), s’installe dès 1901 en plein Sahara pour y vivre en missionnaire (…) ».

Timbre algérien paru en 1979.
Timbre algérien paru en 1981.

L’auteur termine cette première partie sur la période de l’entre-deux-guerres, évoquant « les chefs religieux qui entretiennent les sentiments antifrançais dans la population algérienne. Ils fondent en 1931 l’Association des oulémas musulmans algériens (…). Ses chefs sont le cheikh Abdelhamid Ben Badis, auquel succède le cheikh Bachir El-Ibrahimi ».

Cinquantenaire de la présence française à In Salah. Père de Foucauld et général Laperrine, timbre paru en 1950.

On continue avec l’Algérie, avec la seconde partie d’une étude d’histoire postale sur ses timbres à surtaxe émis entre 1945 et 1958 signée François Chauvin. Durant cette période, l’historien explique que « le service central des PTT d’Algérie émet 56 timbres à surtaxe, soit plus de quatre par an. Les dossiers des archives du pays, conservés aux Archives nationales d’outre-mer, à Aix-en-Provence, éclairent le contexte de leur émission, du lendemain de la seconde guerre mondiale à la fin des émissions propres aux départements algériens ».

Ces timbres sont destinés à financer diverses œuvres caritatives (victimes de guerre des PTT, œuvres de l’air, villes sinistrées, etc.). « La répartition des surtaxes nous éclaire sur les réseaux d’influence à l’origine de ces émissions, proches des anciens de la résistance et de la France libre. »

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L’auteur est conduit à évoquer les demandes rejetées de timbres à surtaxe sur des thématiques inattendues : par exemple, « le 10 mai 1947, le comité commémoratif franco-espagnol du quatrième centenaire de la naissance de Cervantès sollicite du gouvernement général de l’Algérie (GGA) en hommage à l’immortel auteur de Don Quichotte de la Manche pour octobre suivant l’émission d’un commémoratif portant soit l’effigie de Cervantès, soit un motif de l’une des scènes de Don Quichotte. La requête précise l’affectation éventuelle de la surtaxe (…) : la restauration et l’embellissement de la grotte dans laquelle se réfugia l’illustre captif en Alger après sa capture par les Barbaresques, en 1571, à la bataille de Lépante ».

Une des raisons du rejet de la demande ? « Du point de vue philatélique, il n’est pas opportun de multiplier ces émissions de timbres de bienfaisance qui n’intéressent que la clientèle des collectionneurs et des marchands de timbres » ! L’article est abondamment illustré de timbres de l’époque (en blocs de quatre avec coins datés), de cartes-maximum, de courriers… François Chauvin fournit des détails sur les créateurs des timbres, sur leurs tirages et va jusqu’à donner des informations sur la « répartition des subventions ».

Une thématique sur le cinéma s’intéresse ensuite aux entiers postaux consacrés aux acteurs. Défilent ainsi Charlie Chaplin (Japon, Union soviétique), le moins connu en France Karl Valentin (Allemagne), « surnommé le Charlie Chaplin allemand » et, pour la France, Louis de Funès, Jacques Brel, Pierre Fresnay, Alain Delon… Pour les acteurs de l’Europe de l’Est, on trouve des prêts à poster évoquant en Russie les mémoires de Chaliapine, Mikhail Tchekov (le neveu de l’écrivain), Mikhail Astangov, Nikolaï Simonov, etc.

Jean-Louis Emmenegger conduit ses lecteurs dans une nouvelle incursion philatélique en Suisse, en revenant sur les conséquences postales de l’exposition nationale organisée du 30 avril au 25 octobre 1964 à Lausanne, baptisée Expo’64. M. Emmenegger rappelle en préambule qu’en Suisse, « une exposition nationale a lieu tous les vingt-cinq ans (ou presque) » (1883, 1896, 1914, 1929, 1964 et 2002). Celle de 1964 a son lot de timbres, d’oblitérations et d’animations particulières, comme celles profitant de la proximité du lac Léman : « Le bateau hydroglisseur Albatros, le seul à n’avoir jamais navigué en mer », ou « le mésoscaphe du professeur Auguste Piccard (…) » présenté comme le premier sous-marin touristique du monde, dont l’auteur présente un billet pour effectuer une plongée. « Il effectua plis de mille plongées et emmena 33 000 passagers découvrir le fond du lac (…). On peut le visiter aujourd’hui au Musée suisse des transports à Lucerne »…

Pour la partie philatélique, il y avait des bureaux de poste automobiles et « au stand des PTT, une machine de test d’encodage pour le tri automatique du courrier. Elle fonctionnait chaque jour et avec un peu de chance, on pouvait recevoir une carte avec ces codes-barres luminescents imprimés en bas. Elle est aujourd’hui très recherchée. A ce stand, chaque visiteur recevait une carte souvenir illustrée et pré-affranchie avec un timbre de 10 centimes : c’était donc un entier postal tout à fait spécial ! »

Pâques

« Sa majesté Onésime Ier, le roi inconnu », n’est pas un inconnu pour Gérard Artaud, fin connaisseur de la Polynésie française et de l’île de Pâques, expert marcophile des flammes d’oblitération, en son temps membre du comité de rédaction du Monde des philatélistes…

L’auteur raconte l’histoire du destin « aussi prestigieux qu’inattendu d’Onésime Dutrou-Bornier, né à Montmorillon (Vienne) le 19 novembre 1824 ». Dont il n’existe pas de timbre à son effigie, et pourtant ! Ce dernier se fait enrôler comme moussaillon sur un bâtiment en partance pour les Amériques. Plus tard, « il passe en 1860 un brevet de capitaine au long cours. En 1864, il obtient le commandement d’un trois-mâts, le Tampico (…). Il va tenter sa chance à Tahiti (…) et se rend sur l’île de Pâques. A l’arrivée d’Onésime, deux Picpuciens (de la congrégation des Sacrés-Coeur de Jésus et de Marie) officiaient sur place (…). Dutrou-Bornier entra en rapport avec un négociant écossais établi à Tahiti et se lança dans un élevage intensif ovin et bovin. Mais pour ce faire, il entra en compétition avec la Mission [qui] se retira (…). Dutrou-Bornier se mit en ménage avec Koreto, la fille du dernier roi décédé et se déclara souverain à son tour ».

Onésime Dutrou-Bornier, Onésime Ier.

Plus tard, « à deux reprises, Onésime Ier demanda sans succès le protectorat de la France pour son royaume (…). A la seconde, alors qu’une commission officielle se rendit sur place, il était décédé, théoriquement d’une chute de cheval, plus probablement à la suite d’une révolte de ses sujets ». En 1876, l’année de sa disparition, « avec l’accord de Londres, c’est le Chili qui prit possession du royaume et l’a conservé depuis cette date ».

Gérard Artaud conclut son article sur une note personnelle : « Pratiquant en amateur la généalogie, j’observai qu’une de mes arrière-grands-mères paternelles s’appelait Françoise Dutrou (…). En approfondissant mes recherches, je découvris que Françoise Dutrou était une cousine germaine d’Onésime Ier – Dutrou-Bornier – de sorte que le roi était mon cousin ! »

Cartophilie : Serge Zeyons présente sur cinq pages des cartes postales anciennes « surprises et mystérieuses ». Ainsi de cette carte-portrait de Georges Clemenceau (1841-1929) légendée « Président de la République française élu le 17 janvier 1920 », lui qui fut battu par Paul Deschanel (1855-1922) ! Aujourd’hui, on parlerait de « fake » !… Autre curiosité, cette carte dédiée à Louis Coulon, déclaré vainqueur d’un concours de barbes « grâce à une déferlante de poils atteignant 3,35 mètres de longueur ». « Parmi les cartes sociales les plus anciennes s’inscrivent celles du défilé du 14 juillet 1899 organisé au Creusot par le Parti socialiste. On y voit le char des esclaves, un spectacle de mimes parcourant les rues de la ville sur la plate-forme d’un char pour condamner l’exploitation moderne des travailleurs. »

Parmi les cartes qui illustrent l’article, pêle-mêle, on trouve Teresina « reine des colosses, avec un poids de 265 kg », « la guillotine de l’île Nou (Nouvelle-Calédonie) » en 1907, ou la célèbre femme à barbe, « Madame Delait en voiture », à Thaon-les-Vosges.

Quelques infos relevées au fil des pages de Timbres magazine :

– La Poste a édité une deuxième version de son « Philagenda 2024 », sans le bloc timbré spécial, numéroté, reprenant quatre timbres parus en 1952, avec une nouvelle valeur (1,16 euro x 4), mais contenant quatre timbres Marianne (tarif « lettre verte ») glissés dans une pochette ;

Souvenir philatélique réalisé par l’Association philatélique champenoise pour le 5e anniversaire de l’inauguration du la Duduchothèque, musée consacré au dessinateur Cabu.

– L’Association philatélique champenoise s’est associée au 5e anniversaire de l’inauguration du la Duduchothèque, musée consacré au dessinateur Cabu, avec l’édition de souvenirs philatéliques (deux MonTimbràMoi, deux cartes postales, un carnet de quatre timbres… Renseignements, commandes : Jacques Botte, 4, rue de La Rochefoucauld, 51000 Châlons-en-Champagne. Tél. : 03-26-21-08-28 et courriel : jacques.botte@orange.fr) ;

Marie Curie, timbre des Nations unies paru en 2023.

– Le 7 novembre 2023, l’Administration postale des Nations unies a émis un timbre de 2,30 francs suisses en l’honneur de Marie Curie, avec une citation sur le timbre, en français : « Dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre ». Tirage : 180 000 timbres ;

Timbre du Bangladesh paru en 2023 pour le cinquantenaire de ses relations diplomatiques avec la France.

– Le Bangladesh a émis un timbre à l’occasion du 50e anniversaire de ses relations diplomatiques avec la France, sur lequel apparaît l’Arc de Triomphe ; le Sri Lanka a émis pour sa part deux timbres pour rappeler l’établissement des relations diplomatiques avec la France en 1948 avec le Mont-Saint-Michel cette fois.

Timbres du Sri Lanka paru en 2023 pour le 75e anniversaire de ses relations diplomatiques avec la France.

En novembre et décembre

Session de rattrapage pour les numéros de novembre et décembre 2023 de Timbres magazine. Quelques articles des précédentes livraisons du mensuel retiendront particulièrement l’attention des collectionneurs :

– « Terre Adélie. De la conquête des glaces polaires à la science de l’extrême », par Serge Kahn ;

– « Le renouveau des postes locales », par Jean-Louis Emmenegger ;

– « La « Divine » » (Sarah Bernhardt), par Alain Berrebi ;

– « Le facteur au cinéma : à pied, en vélo, en voiture !  », par François Mennessiez ;

« Timbres magazine », décembre 2023, n° 261, 100 pages, 6,90 euros. En vente par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3). Tél. : 03-22-71-71-87. Courriel : sbelvalette@yvert.com.

– « 1912 : la poste aérienne fictive d’Albert Moreau », par Bertrand Sinais ;

– « Lavalette, directeur général des postes de Napoléon », par Laurent Veglio ;

– « Ce timbre-poste à 2 reales ! Mieux connaître ce grand joyau de la philatélie espagnole, le 2 reales bleu de 1851 », par José Antonio Herraiz ;

– « Des perforations officieuses pour les non-dentelés fiscaux », par Yves-Maxime Danan.

« Timbres magazine », janvier 2024, n° 262, 100 pages, 6,90 euros. En vente en kiosques, ou par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3). Tél. : 03-22-71-71-87. Courriel : sbelvalette@yvert.com. Rédaction en chef : michelmelot@timbropresse.fr. Version numérique ici.

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