Pourquoi l’Inde pourrait bientôt changer de nom – L’Express

Pourquoi l’Inde pourrait bientôt changer de nom – L’Express

Les nationalistes hindous se sont saisis d’un nouveau cheval de bataille. Cette fois, ils ont en ligne de mire le nom même de leur pays : Inde pourrait en effet être remplacée par Bharat, terme sanskrit issu des Purana, ces textes sacrés, piliers de l’hindouisme. Ces dernières semaines, le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi n’a eu de cesse de multiplier les tentatives. Il y a quelques jours, un comité chargé de la révision des programmes scolaires de sciences sociales a, par exemple, recommandé de remplacer le terme « Inde » par « Bharat » dans les manuels du secondaire.

De quoi relancer une polémique qui avait fait grand bruit début septembre. A l’occasion du sommet du G20, organisé à New Delhi, les invitations au dîner officiel envoyées par la cheffe de l’Etat, Droupadi Murmu, étaient signées « présidente de Bharat ». Cette formule, inhabituelle, avait provoqué la controverse. Le gouvernement avait-il l’intention d’abandonner le nom anglais du pays ? Lors de l’ouverture du sommet, Narendra Modi avait envoyé un autre signal en prononçant son discours derrière une plaque estampillée Bharat plutôt qu’Inde.

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Reflets de son histoire millénaire et de son identité culturelle, les noms pour désigner l’Inde ont toujours été multiples. Au moment de l’indépendance du pays, les Indiens utilisaient « India », « Bharat » ou « Hindustan ». Et lors de l’écriture de l’article 1 de la Constitution en 1949, le choix fit débat. L’Assemblée constituante trancha finalement pour la formule suivante : « L’Inde, c’est-à-dire Bharat… ».

Mais pour le Bharatiya Janata Party (BJP, le parti de Modi), « Inde » renverrait à un symbole de l’esclavagisme colonial. « Il est absurde que ceux qui ont autrefois collaboré avec les Britanniques remettent en cause le patriotisme de ceux qui ont rédigé la Constitution et ont combattu l’oppression coloniale », fait toutefois remarquer Aditya Mukherjee, professeur d’histoire à l’université de Jawaharlal Nehru, à New Delhi.

Le terme « Inde » fait son apparition bien avant l’ère coloniale

Aujourd’hui, les nationalistes hindous veulent à tout prix effacer les vestiges de la colonisation britannique, au même titre que l’héritage des empereurs moghols, ces dirigeants musulmans qui ont régné sur le sous-continent de 1526 à 1761. Des « morceaux d’histoire » qui ne sont pas du goût du BJP, qui veut faire de l’Inde multiculturelle une nation hindoue. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2014, le BJP a hindouisé des noms de villes faisant référence au passé musulman du pays et des noms d’avenues qui renvoyaient à l’ère coloniale. Ces changements participent d’une même volonté d’affirmer la suprématie de la majorité hindoue (80 % de la population).

Mais la réalité historique se veut plus complexe. Car le terme « Inde » fait son apparition bien avant l’ère coloniale. « Les ministres qualifiant le mot Inde d’étranger n’ont aucune compréhension de notre civilisation », oppose Ashutosh, auteur d’un ouvrage sur l’extrémisme hindou. Pour cet ancien journaliste, les premières traces du mot remontent à Alexandre le Grand, au IVe siècle avant Jésus Christ. Il désignait « tous ceux qui vivaient sur les rives du fleuve Sindhu (Indus) ou au-delà ».

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« L’Inde est ce qu’elle est précisément parce qu’elle a absorbé tant d’influences à travers les âges, abonde Aditya Mukherjee. Le terme ‘hindou’ lui-même nous vient de l’Iran. Si vous voulez supprimer tous les mots d’origine étrangère, la moitié de notre langue va disparaître ! » En outre, une grande partie du pays n’utilise pas le terme Bharat, notamment dans le Sud, où les populations ne sont pas hindiphones.

Pourquoi, alors, vouloir absolument procéder à cette substitution, sachant que les deux dénominations sont mentionnées officiellement dans la Constitution ? « Le BJP crée une controverse qui n’a pour seul objectif que de détourner la population des réels problèmes – chômage, perte des libertés individuelles et augmentation de la pauvreté », accuse Aditya Mukherjee. A New Dehli, il se murmure aussi que la décision de l’opposition de créer une alliance en juillet dernier a incité le pouvoir à accélérer le changement de nom du sous-continent. Car l’acronyme de la nouvelle « Indian National Developmental Inclusive Alliance » est, justement, INDIA. Soit Inde en anglais.

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