« Cette juxtaposition d’une croissance aussi médiocre que celle de la France et d’inégalités bien plus fortes, est au cœur de la crise britannique »

« Cette juxtaposition d’une croissance aussi médiocre que celle de la France et d’inégalités bien plus fortes, est au cœur de la crise britannique »

Entre services publics qui craquent de partout, instabilité politique permanente depuis six ans et même un début de panique financière en septembre, le Royaume-Uni – et plus spécifiquement l’Angleterre – va mal. Le Monde a consacré récemment une série de six enquêtes à ce « malaise anglais ». Mais une grande partie des commentaires des lecteurs consistait à dire en substance : « D’accord, mais ça va aussi mal en France. » Que ce soit les hôpitaux qui débordent, la prise en charge insuffisante des personnes âgées ou le rejet en bloc de la classe politique, les parallèles s’imposent, en effet.

Avant les quarts de finale de la Coupe du monde entre la France et l’Angleterre samedi 10 décembre, c’est donc l’occasion de rejouer la comparaison entre ces deux pays si semblables : deux ex-empires coloniaux au vieux complexe de supériorité, le même niveau de population (67,1 millions d’habitants au Royaume-Uni, 67,8 millions en France), et deux économies qui pèsent presque le même poids. Leur produit intérieur brut (PIB) – un indicateur très imparfait mais qui a l’avantage d’être simple et comparable – est proche : en 2022, à parité de pouvoir d’achat, le PIB britannique sera, selon la Banque mondiale, de 2 333 milliards de dollars (2 208 milliards d’euros) ; celui de la France de 2 279 milliards de dollars.

Sur quatre décennies, la tendance donne cependant l’avantage au Royaume-Uni. En 1980, le PIB par habitant en France était 20 % supérieur à celui du Royaume-Uni. Les Britanniques avaient connu des années 1970 catastrophiques, faites de grèves et d’entreprises nationalisées profondément inefficaces, ce qui avait provoqué la révolution thatchérienne. Celle-ci a été extrêmement brutale, les inégalités ont fait un bond soudain, mais la croissance économique est revenue. En 2005, le PIB par habitant britannique avait presque rattrapé son retard sur la France et en 2015, le dépassait.

Le dynamisme du Royaume-Uni est cassé

La nouveauté, et cela explique largement le malaise britannique, est que le dynamisme du Royaume-Uni – devenu le pays le plus inégalitaire d’Europe occidentale – est cassé depuis une grosse décennie. La brisure a commencé par le choc de la crise financière de 2008, a continué avec l’austérité imposée par le gouvernement entre 2010 et 2016, puis avec le vote pour le Brexit en 2016, la pandémie en 2020 et, enfin, la sortie effective du marché unique européen en janvier 2021.

Difficile de faire la part des choses entre pandémie, Brexit et austérité, mais les faits sont là : depuis 2016, la croissance britannique a été de 6,6 %, celle de la France de 7,1 %. Rien de spectaculaire dans les deux cas : environ sept points de croissance en six ans est un rythme très faible. Mais le rattrapage britannique est terminé. Aujourd’hui, le PIB par habitant français est repassé en tête, de justesse (de 0,6 % pour être précis). Pire, les inégalités britanniques demeurent béantes : à parité de pouvoir d’achat, les 10 % les plus pauvres au Royaume-Uni ont des revenus disponibles inférieurs de 22 % à ceux de leurs homologues français.

Il vous reste 24.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Cet article est apparu en premier sur https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/06/cette-juxtaposition-d-une-croissance-aussi-mediocre-que-celle-de-la-france-et-d-inegalites-bien-plus-fortes-est-au-c-ur-de-la-crise-britannique_6153158_3232.html


.