La France a importé deux fois plus de produits vulnérables de Chine en 20 ans

La France a importé deux fois plus de produits vulnérables de Chine en 20 ans

« L’expérience de la dépendance a été dramatique. On doit rebâtir les termes d’une indépendance productive française et européenne. Nous devons produire ce dont nous avons besoin pour aujourd’hui et demain ». A quelques mois de l’élection présidentielle en octobre 2021, le président de la République Emmanuel Macron dressait un bilan sévère des deux premières années de pandémie lors de la présentation en grande pompe de son plan France 2030 sous les dorures de l’Elysée. Les pénuries de masques et de gel hydroalcoolique, de médicaments et de blouses dans les hôpitaux au plus fort de la crise sanitaire ont laissé des traces dans l’opinion.

Un an après, la situation est loin de s’arranger. Les professionnels de santé ont tiré la sonnette d’alarme ces derniers jours sur les problèmes d’approvisionnement des médicaments de base. Rien qu’en 2021, l’Agence française de la sécurité du médicament a ainsi reçu 2.160 signalements de ruptures de stock et de risques de rupture. En outre, le prolongement de la crise énergétique à l’approche de l’hiver risque de mettre en péril de nombreux projets industriels sur le territoire tricolore alors que de plus en plus de groupes songent à implanter leur site à l’étranger.

Réindustrialisation : l’énergie dissuasive

Dans ce contexte de fortes tensions énergétiques et géopolitiques, la relocalisation est revenue au centre des débats. « La France a perdu la maîtrise de sa sécurité sanitaire […] (Elle) est devenue la lanterne rouge de l’Europe en matière de balance commerciale. Nous vendons notre patrimoine et nos entreprises. La France est un pays détenu par les autres », a cinglé l’ancien ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg , chantre du Made in France lors d’une présentation à la presse sur le sujet brûlant de la relocalisation ce jeudi 24 novembre à proximité de l’Assemblée nationale.

60 milliards de produits manufacturés importés sont vulnérables

Face à l’urgence de la situation, les appels à relocaliser se multiplient dans tout le pays. « La relocalisation n’est pas une option. C’est une obligation si on veut garder notre modèle social à la française », a insisté Carine Guillaud, fondatrice du Think Tank Relocalisation.fr.  Ce groupe de réflexion mène actuellement une intense bataille pour relocaliser les produits dits « vulnérables ». Il peut s’agir de produits chimiques, de médicaments mais aussi d’articles textiles, d’appareil ménager.

Ses équipes ont passé au crible les importations totales de la France en 2019 à partir des bases de données de la douane. Le total des importations est évalué à 500 milliards d’euros. Sur l’ensemble des marchandises importées, 60 milliards correspondent à des produits vulnérables relocalisables. « Les produits manufacturés ne concernent pas que les mascottes de la Coupe du monde. Une grande partie des sous-vêtements est importée de Chine », poursuit Carine Guillaud. L’organisation s’est appuyée sur des critères de dépendance et de diversification pour qualifier ces produits de vulnérables.

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Produits vulnérables : la dépendance de la France à la Chine a explosé en 20 ans

Sur les deux dernières décennies, la Chine a pris une place considérable dans les échanges internationaux. Dans une étude frappante dévoilée cet été, les services statistiques des douanes ont recensé environ 200 produits vulnérables en provenance de Chine contre seulement 65 au début des années 2000. le total de ces importations est évalué à 16,2 milliards d’euros en 2019 contre seulement 1,7 milliard d’euros il y a 20 ans.

Le poids des produits vulnérables dans le total des produits importés de Chine par la France a doublé en 20 ans en passant de 2% à 4%. La valeur de ces produits a été multipliée par dix sur la même période. En parallèle, la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée en France n’a cessé de dégringoler.

Cohésion sociale, changement idéologique et commande publique

Lors de son intervention devant des industriels, des représentants de la direction générale des entreprises de Bercy, Carine Guillaud a déroulé sa méthode pour accélérer la relocalisation. « L’industrie est un facteur de cohésion sociale. La France a un problème endémique avec le chômage. On ne peut pas continuer à dénigrer l’industrie manufacturière et avoir 5 millions de chômeurs. La France est aujourd’hui dans une situation explosive », a déclaré la fondatrice de relocalisation.fr.  « Il y a clairement un volet idéologique. Il faut arrêter d’opposer les start-up industrielles et les entreprises industrielles traditionnelles », a-t-elle poursuivi.

Toujours du côté de l’offre, elle a plaidé pour « un rapprochement entre les marques, les distributeurs et les industriels. Les industriels ont de l’appréhension à travailler avec certains distributeurs, » a-t-elle poursuivi. Elle a également mis l’accent sur la commande publique. « L’Etat et les collectivités ont un rôle essentiel à jouer sur les produits vulnérables ou les produits critiques. Cela doit permettre aux industriels d’investir sur le long terme », a-t-elle assuré. Du côté de la demande, « il faut sortir du modèle de l’ultra-consumérisme. Il s’agit dorénavant de privilégier la qualité à la quantité ». Le chemin vers la relocalisation s’annonce encore long et difficile.

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Grégoire Normand

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