Maroc : Dakhla, capitale du kitesurf – Jeune Afrique

Un cortège de planches enfermées dans d’imposantes housses défile sur les tapis roulants de l’aéroport de Casablanca, principal lieu d’escale pour qui veut se rendre à Dakhla depuis l’étranger. Perdue dans l’extrême sud marocain, cette destination nichée entre mer et désert est plébiscitée par les amateurs de kitesurf du monde entier depuis environ vingt ans, en raison du vent, qui y souffle quasiment toute l’année.

Il y a encore quelques années pourtant, seul un avion se posait chaque semaine sur cette terre désertique. Aujourd’hui, les quatorze vols en provenance de Casa sont pleins. « Et les kiteurs représentent 90% des voyageurs », confirme Laila Ouachi, la soixantaine pimpante, l’une des premières à avoir parié sur le potentiel de la presqu’île en créant l’association Lagon Dakhla pour le développement du sport et l’animation culturelle.

Inscrire Dakhla sur la carte du monde

Fin des années 2000 : cette baronne du tourisme hôtelier et balnéaire travaille à la communication du groupe Dakhla Attitude créé par Driss Senoussi. Ensemble, les associés parviennent à convaincre la Global Kiteboarding Association (GKA, association internationale de kitesurf, affiliée à la fédération mondiale de voile) de faire de la péninsule l’une des huit étapes des championnats internationaux de kitesurf.

« Les négociations n’ont pas été faciles au début. Le conflit armé qui a sévi jusqu’en 1991 au Sahara occidental a profondément marqué l’imaginaire, à l’étranger. On pensait que la zone souffrait encore de problèmes d’insécurité et que c’était la guerre civile ici, se souvient-elle. Les partenaires internationaux se montraient très réticents à l’idée de développer des projets sur place. Le championnat a permis de changer cette perception et d’inscrire Dakhla sur la carte du monde ».

Dès les années 1980, déjà, au moment où la ligne de front se déplace vers le Sud, l’armée marocaine commence à inviter des surfeurs étrangers à Dakhla pour montrer que la zone est sécurisée. Mais c’est aussi à Rachid Roussafi, représentant de l’équipe du Maroc aux Jeux olympiques de Sydney, en 2000, dans l’épreuve de voile, et l’un des premiers compétiteurs mondiaux de kite, que l’on doit la promotion de cette discipline olympique sur le plan local. Ce « fils du vent », comme le surnomme la presse internationale, a fondé le premier complexe touristique du lagon, au début des années 2000.

À l’époque, le site est vierge, simplement ponctué de tentes de bivouac installées le long des dunes. « Il a osé construire sur le sable ! s’étonne encore Laila Ouachi. Personne ne croyait en son projet, il n’y avait pas d’électricité, rien. Mais il l’a fait, et depuis, beaucoup d’investisseurs lui ont emboîté le pas. » Au risque, toutefois, de nuire à la protection de l’environnement et de dénaturer le littoral, où fleurissent désormais hôtels et bâtiments en chantier tout le long de la route nationale 1, qui relie le port de Tanger, à 2 000 km au nord de Dakhla à la frontière mauritanienne, à 350 km au sud de cette ville.

Depuis 2009 c’est donc là, sur le site d’Oum Lbouir, unique plage de Dakhla, avec ses kilomètres de sable blanc à quelques encablures de la ville (100 000 habitants), qu’a lieu chaque année le championnat de kitesurf. Il réunit une soixantaine de compétiteurs professionnels inscrits au classement mondial. C’est également là que les prouesses du Cap-Verdien Airton Cozzolino, quintuple champion du monde, ont été massivement relayées sur les réseaux sociaux. Une communication rondement menée par le patron de Dakhla Attitude, et par Laila Ouachi, copropriétaire de l’un des complexes.

Une discipline excluant les Marocains

Quelques jours avant le début de la compétition, pourtant, en une après-midi ensoleillée de la fin de septembre et étonnamment peu venteuse pour la saison, aucun kiteur à l’horizon. En lieu et place, des surfeurs et amateurs de foil – une planche de kite directionnelle, composée d’un mât avec ailettes permettant de décoller de l’eau. « La pratique du kite se fait majoritairement de février à septembre. C’est à cette époque de l’année que le vent souffle le plus, jusqu’à 35 nœuds, idéal pour les rideurs », résume le sculptural Hamouda Houine, moniteur depuis cinq ans, kiteur depuis dix-sept ans.

Mais aucun Marocain n’a jusqu’à présent décroché le titre de champion du monde (récompensé par un prix de 25 000 euros). « Faute de sponsors », estime Laila Ouachi. La pratique, très coûteuse, intéresse peu les habitants – qui vivent principalement en ville et des revenus de la pêche –, et reste réservée à une clientèle aisée et étrangère. « Il y a dix ans, on n’avait rien. Ce sont les étrangers qui nous laissaient leurs planches et nous donnaient du matériel. Encore aujourd’hui, j’ai dû mal à trouver de la wax, ce sont les touristes qui m’en offrent », sourit l’entraîneur en récupérant, au même moment, une boîte de cire à la volée.

Tourisme de glisse et d’expérience

Depuis des mois, il prépare dix sportifs marocains à la compétition. « Pour maîtriser cette discipline il faut beaucoup de pratique et de temps, insiste-t-il. Les riders veulent naviguer, alors qu’il faut ramer et aller chercher la vague. C’est très physique », poursuit le natif de Dakhla. Côté lagon, professionnels et amateurs iront plutôt s’entraîner aux figures, comme le freestyle – enchaînement de trois sauts libres – ou le big air, le saut le plus élevé.

En attendant, et malgré le développement d’un « tourisme d’expérience » – festivals de musique, retraites bien-être, yoga… –, ou « corporate », les kiteurs continuent d’être les rois de la baie. Et de colorer le ciel de leur impressionnant ballet de voiles.

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