Retour de Paul Biya : Le président camerounais enfin vu en public
Retour de Paul Biya : Le président camerounais enfin vu en public
- Author, Armand Mouko Boudombo
- Role, Journalistes- BBC Afrique
- Twitter,
- Reporting from Dakar
-
Le président camerounais Paul Biya, âgé de 91 ans, a été vu en public pour la première fois depuis six semaines, sur fond de spéculations concernant son état de santé.
Son absence de la scène publique a donné lieu à des rumeurs infondées sur sa mort.
Lundi après-midi, la télévision d’État a montré des images de l’arrivée du président à l’aéroport de la capitale, Yaoundé, à bord d’un vol en provenance de Suisse.
Le gouvernement avait interdit aux médias de discuter de l’état de santé de M. Biya, au pouvoir depuis 1982, estimant qu’il s’agissait d’une question de sécurité nationale.
Des rumeurs de décès ont circulé par intermittence au cours des deux dernières décennies.
Les photos diffusées lundi montrent le président vêtu de son habituel costume soigné et conservateur et paraissant visiblement en pleine forme.
La dernière fois que M. Biya a été vu, c’était le 8 septembre, lors d’un sommet Chine-Afrique à Pékin.
C’est depuis cette date qu’il n’a plus fait d’apparition publique. Annoncé à la 79 ème Assemblée générale des Nations Unies, puis au sommet de la francophonie, le dirigeant camerounais ne s’est pas présenté à ces rendez-vous qu’il manque pourtant difficilement.
Il a également manqué la finale de la Coupe du Cameroun, qui marque la fin de la saison sportive dans le pays, disputée il y a une dizaine de jours.
Depuis lors, le gouvernement a été soumis à une pression considérable pour prouver que le dirigeant de longue date était en vie.
Les représentants du gouvernement ont finalement démenti les allégations de décès, affirmant que M. Biya était en bonne santé et qu’il se trouvait en visite privée à Genève. Il est connu pour ses fréquentes visites dans la ville suisse.
Après son atterrissage, M. Biya a été accueilli par des représentants de l’État et des membres du parti au pouvoir.
La mobilisation inhabituelle de la population dans certaines rues de la capitale suggère que le gouvernement a clairement l’intention de mettre un terme aux spéculations sur son état de santé.
Sa réapparition pourrait susciter des appels au sein de son parti, le RDPC, pour qu’il brigue un nouveau mandat de sept ans lors des élections de l’année prochaine.
Bien que « l’homme-lion », comme l’appellent ses partisans, n’ait pas encore déclaré ouvertement s’il se présenterait, ses détracteurs estiment que ses récentes manœuvres politiques témoignent d’une tentative de resserrement de l’emprise du parti au pouvoir.
La machine à rumeurs se met en branle
Cette absence sans justificatif a fait prospérer une série de rumeurs, sans jamais donner lieu à une réponse ni du gouvernement, ni du parti au pouvoir.
Mais, le 8 octobre, un média en ligne émettant à l’étranger a annoncé le décès du président camerounais.
Ce qui a provoqué une sortie presque simultanées de deux responsables du RDPC, le parti de Paul Biya.
Jacques Fame Ndongo, le secrétaire à la communication et membre du bureau politique du parti, déclare sur sa page Facebook : « Il s’agit d’une nouvelle dénuée de tout fondement. Ce stratagème fantasmagorique ne doit pas ébranler la maturité politique, la lucidité et le patriotisme des Camerounais et des amis de notre cher et beau pays ».
Au même moment, réagissait aussi le secrétaire général adjoint du parti, Grégoire Owona, qui lui en appelle à la justice. « Ceux qui tentent par divers moyens de tromper l’opinion en annonçant le décès du Chef de l’Etat camerounais doivent payer le prix fort suite à un si grossier mensonge », écrit ce responsable, par ailleurs ministre du travail dans l’actuel gouvernement.
« Puisqu’ils n’ont plus aucune conscience humaine, les institutions appropriées doivent sévir face à ces imposteurs d’où qu’ils viennent et quel que soit le lieu d’où ils émettent. Nous sommes en démocratie, mais la méchanceté et la haine ont une limite ! » Poursuit-il.
Réactions de l’opposition
Avant cette sortie des responsables du parti au pouvoir, Patricia Tomaïno Ndam Njoya, ancienne députée et actuelle maire de Foumban dans l’ouest du pays a fait une sortie pour exprimer son inquiétude.
Elle fustige le fait que l’opinion publique soit « réduite à subir des spéculations diverses et de diverses sources, dont les réseaux sociaux, qui sont de nature à influencer dangereusement le cours normal de la vie quotidienne des citoyens et des Institutions de la République ».
La présidente nationale de l’Union Démocratique du Cameroun, 5ème force à l’Assemblée nationale, « appelle le Cabinet civil de la Présidence, le Porte-parole du Gouvernement et toute autre Institution compétente le cas échéant, notamment le Conseil constitutionnel, à prendre leurs responsabilités en apportant des informations officielles au peuple, pour mettre ainsi fin à ces spéculations dangereuses qui vont s’aggravant », écrit-elle dans son communiqué.
La veille, c’est l’avocat camerounais basé en France, et candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2025, Christian Ntimbane Bomo, qui a choisi une lettre ouverte pour s’exprimer.
Dans sa missive adressée à Samuel Mvondo Ayolo, le directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, M. Ntimbane déclare : « Le peuple est en droit de savoir, si le Président de la république est toujours apte à assumer sa lourde et délicate mission ».
L’avocat camerounais poursuit : « Monsieur le Ministre, faites un simple communiqué… S’il a pris des congés, dites-le. C’ est son droit le plus absolu de prendre des congés annuels comme tout agent public, qu’il est par ailleurs. S’il est souffrant, dites-le aussi, un président de la République peut tomber malade, et a droit aux soins, voire à une évacuation sanitaire à l’étranger, comme bon nombre d’ agents publics ».
L’opposant Cabral Libii, quant à lui estime qu’il n’y a pas vraiment de quoi s’alarmer. Selon lui, « l’absence et le silence » sont justement son style de management. « C’est un président qui fait deux discours par an », brocarde le candidat malheureux à la présidentielle.
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