mais où est passé le président Paul Biya ? – Libération

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mais où est passé le président Paul Biya ? – Libération

Depuis une semaine, les rumeurs sur l’état de santé du dirigeant camerounais, tout comme les réactions crispées des autorités du pays, alimentent les spéculations sur la disparition du plus vieux chef d’Etat du monde.

Sa dernière apparition publique remonte à début septembre à Pékin. Le président camerounais Paul Biya assistait au sommet Chine-Afrique. Accompagné comme toujours par son épouse, Chantal, une tête de plus que lui, et trente-sept ans de moins, réputée pour ses audaces capillaires. Et depuis ? Rien. A la tête du Cameroun depuis quarante-deux ans, le président le plus âgé du monde, à 91 ans, a disparu des radars.

Avant son arrivée en Chine, on l’avait bien vu à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris, stoïquement assis sous la pluie, la tête recouverte d’une cagoule imperméable, pendant que Chantal laissait fondre sa coiffure, trempée par les intempéries. Puis il avait prononcé un discours lors du 80e anniversaire du Débarquement en Provence.

Des sources camerounaises confirment à Libération que Biya était bien attendu le 10 septembre à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU. Puis au sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts, le 4 octobre. Avant que sa participation ne soit soudain annulée pour les deux événements.

Une étrange messe à Yaoundé

Certes, le président camerounais a parfois boudé, sans trop s’embarrasser d’explications, ces grandes réunions internationales. Très secret, il est encore moins visible dans son pays, enfermé dans son palais d’Etoudi à la lisière de Yaoundé, la capitale. Ou bien partageant son temps entre son village natal ultra-sécurisé de Mvomeka’a, dans le sud du pays, et de très longs séjours à l’étranger. Notamment à Genève où il loue une suite à l’année à l’hôtel Intercontinental.

Reste que cette fois-ci son silence et son absence suscitent bien des spéculations. En dehors de l’annulation de sa présence à l’ONU et à la Francophonie, plusieurs retours au pays ont été reportés sine die. Le dernier en date, dimanche 13 octobre, selon le site de Jeune Afrique. Une étrange messe programmée à Yaoundé ce mercredi 16 octobre, afin «de prier pour Paul Biya et pour la paix au Cameroun», aurait également été déprogrammée en catastrophe, pour ne pas alimenter les rumeurs sur son décès.

Lesquelles ont explosé le 8 octobre, lorsqu’une chaîne YouTube privée, ABS, basée à Houston aux Etats-Unis, a diffusé un reportage, affirmant que «le président du Cameroun est mort à Genève puis a été transféré dans un hôpital en France». Proche des indépendantistes anglophones de l’ouest du pays en guerre ouverte depuis 2017 contre Yaoundé, ABS n’est pas forcément neutre. Qu’importe : la diaspora camerounaise, en majorité proche de l’opposition, organise une manifestation spontanée devant l’hôpital Percy de Clamart, près de Paris, soupçonné d’abriter le corps du président défunt.

Dès le lendemain, le 9 octobre, au Cameroun, une circulaire du ministère de l’administration territoriale interdit tous débats dans les médias «sur l’état de santé du Président» et enjoint aux gouverneurs régionaux de «créer des cellules de veille, chargées de suivre et enregistrer toutes émissions et débats» qui pourraient évoquer ce sujet. Rien de mieux en réalité, pour confirmer les soupçons. Malgré l’avalanche de démentis officiels affirmant que le président camerounais se trouve à Genève et qu’il «profite de son petit congé tranquillement, tout en continuant à travailler».

Une féroce bataille dans l’entourage présidentiel

«Si le Président est effectivement vivant, comme ils le prétendent, il y a une solution simple : que M. Biya se montre publiquement», rétorque le 10 octobre, dans un communiqué, la chaîne ABS, qui dénonce une tentative de censure. Et rappelle que «c’est le même régime qui a réduit au silence, emprisonné et causé les mystérieuses disparitions d’innombrables journalistes à l’intérieur de ses frontières […] supprimant impitoyablement toute voix qui ose contester ses récits».

Depuis ce lundi, tous les pontes du régime se précipitent à Genève. A commencer par le président du Sénat, Marcel Niat Njifenji. En cas de décès du président, c’est lui qui est supposé assurer l’intérim. Agé de 90 ans, il n’est pas très en forme. Et pourra difficilement gérer la féroce bataille à laquelle se livreront les différentes factions qui gravitent dans l’entourage présidentiel, après la disparition de Biya.

Maitre absolu d’un pays prometteur mais ruiné par la corruption de ses élites depuis près d’un demi-siècle, Paul Biya a réussi à détruire ou acheter l’opposition, réprimer férocement toute contestation, sans désigner de successeur. Entre le clan de sa seconde épouse Chantal, et celui de son fils aîné Franck, issu d’un premier mariage, la bataille sera féroce. «Toutes ces rumeurs ont confirmé l’impopularité de Biya. Mais également le fait que son décès ouvrira une période inquiétante», confesse un Camerounais installé à Paris. Rappelant qu’au pays, «personne n’ose évoquer le sujet publiquement. Car les gens vivent dans la peur».

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