JO Paris 2024, haltérophilie : quand le Cameroun fournit les champions de demain à la France

- Advertisement -

JO Paris 2024, haltérophilie : quand le Cameroun fournit les champions de demain à la France

Une barre de 197 kg. Ce 12 août 2008, aux Jeux olympiques de Pékin, quand Vencelas Dabaya se présente dans la catégorie des -69 kg, pour soulever cette barre, synonyme de médaille d’or, ce n’est rien de moins qu’au record du monde de l’épreuve de l’épaulé-jeté que l’haltérophile français s’attaque. Vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un justaucorps bleu, l’athlète de 27 ans à l’époque plie les genoux tandis que ses mains agrippent la barre. Et puis… il renonce. Victime d’un arrachement osseux au coude pendant la compétition, il lui est impossible d’engager cette barre. D’autant que ce poids, il ne l’a jamais soulevé. Vencelas Dabaya ne sera pas champion olympique.

Qu’importe ! Cette deuxième place appartient à cette grande famille des médailles d’argent et de bronze qui valent de l’or. Trente-deux ans que l’haltérophilie française n’avait rien glané aux Jeux. C’était au siècle précédent, en 1976, à Montréal, un Picard de 1,62 m, Daniel Senet, s’empare de la médaille d’argent dans la catégorie des moins de 67,5 kg.

Alors à Pékin, la France de l’haltérophilie peut exulter. Chanter la Marseillaise. Cocorico ! Mais derrière cette médaille bleu blanc rouge, c’est l’ombre du Cameroun qui plane. Vencelas Dabaya, né à Kumba, deuxième ville du pays, n’a-t-il pas porté les couleurs vert rouge jaune lors des Jeux d’Athènes, en 2004 ? N’était-il pas le porte-drapeau de la délégation de cette République d’Afrique centrale et occidentale avant sa naturalisation en 2004 ? « Au début, c’est une immigration classique d’évolution de vie, se souvient l’athlète. Et ensuite, chemin faisant, j’ai choisi de représenter le pays qui m’avait accueilli. Il me permettait de devenir ce que je suis aujourd’hui et de réaliser mes rêves. »

« Au Cameroun, je n’avais pas vraiment de matériel, ni de salle »

Une voie est tracée et elle ne se refermera pas. Trois des quatre haltérophiles de l’équipe de France qui tirent à partir de jeudi pour les Jeux de Paris 2024 ont des racines camerounaises. Et parmi eux, Marie-Josèphe Fegue (-71 kg), la principale chance de médaille des Bleus. Si la jeune maman vit depuis longtemps en France, elle a été naturalisée il y a seulement deux ans et demi, après un parcours migratoire difficile, passé par l’Angleterre.

« Au Cameroun, j’étais déjà performante, mais c’était compliqué pour m’entraîner et atteindre le plus haut niveau, confie l’athlète de 33 ans. Je n’avais pas vraiment de matériel, ni de salle. On s’entraînait à ciel ouvert. La France m’a offert toutes les bonnes conditions. »

Au départ de cette filière camerounaise, il y a une coopération entre les deux pays. « C’était au début des années 1990, raconte Vencelas Dabaya. Les premiers athlètes camerounais immigrent en France pour se former dans le cadre des bourses olympiques qui permettent de choisir un pays pour se préparer aux Jeux. »

Compte tenu de la proximité entre les deux États, héritée de la période coloniale, les haltérophiles camerounais optent pour la France. « À l’issue de cette formation, certains font le choix de rester, poursuit Vencelas Dabaya. Pour partir sur un projet sportif plus ambitieux. »

De quoi ravir la France et ses dirigeants. « Ce sont des athlètes avec de gros volumes d’entraînement, décrit Michel Raynaud, président de la Fédération d’haltérophilie. Ils ont des qualités physiques et morphologiques idéales pour l’haltérophilie. Ils allient souplesse, vitesse et explosivité. »

« Nos succès sont autant fêtés en France qu’au Cameroun ».

Des fuites de talents qui pourraient être mal vécues par le Cameroun. Car dans cette équipe de France, si Dora Tchakounté (-59 kg) acquiert la nationalité française dès ses 12 ans, Bernardin Kingue Matam (-73 kg), se fait naturaliser en juillet 2011, un an avant les Jeux de Londres. « Il n’y a jamais eu de conflit, assure Vencelas Dabaya. Aucun athlète au Cameroun n’a jamais été confronté à une interdiction de changer de nationalité. Les dirigeants camerounais ont conscience que nous avons un manque d’infrastructures pour développer nos potentiels. Ils ne sont pas là pour brimer ou casser des athlètes. Mais pour leur donner des opportunités. »

D’autant que du côté de la Fédération française et de son président on l’assure : « C’est du donnant-donnant. On apporte au Cameroun une aide technique. » Régulièrement, la France envoie ainsi des missions de formation en Afrique « D’anciens cadres techniques sont dépêchés pour former des entraîneurs », précise Philippe Geiss, le directeur technique national (DTN).

Reste que la France est doublement gagnante. Quand sonne le crépuscule de la carrière sportive de ces athlètes, leur reconversion en entraîneur se fait aussi chez les Bleus. Après trois participations aux Jeux olympiques, dont deux sous bannière française, Samson N’Dicka Matam intègre l’encadrement de l’équipe de France en 2008. Même destinée pour Vencelas Dabaya. Celui qui est considéré comme un « grand frère » par les athlètes est entraîneur adjoint au sein de la délégation tricolore.

« Ce n’est jamais la France qui est venue chercher les sportifs, insiste le vice-champion olympique. Cela a toujours été le choix des haltérophiles camerounais de dire : Nous représentons la France. Mais nos défaites comme nos succès sont autant fêtés en France qu’au Cameroun. »

Cet article est apparu en premier sur https://www.leparisien.fr/jo-paris-2024/halterophilie/jo-paris-2024-halterophilie-quand-le-cameroun-fournit-les-champions-de-demain-a-la-france-07-08-2024-GQ3MRZ4J6FAQXO6U64E3JPTC7Y.php


.

- Advertisement -