Les déboires de KFC en Algérie sur fond de boycott contre Israël

Les déboires de KFC en Algérie sur fond de boycott contre Israël


Dimanche 14 avril. Du gros monde devant la devanture. La salle pleine, les serveurs quasiment débordés par les commandes. Les clients multiplient les selfies. C’est le grand jour pour l’unique enseigne de fast-food mondiale à ouvrir en Algérie, 17 ans après l’échec de l’implantation de Quick à Alger. En ce jour de début de semaine, KFC (Kentucky Fried Chicken) inaugure ses locaux de 400 mètres carrés dans le quartier de Dely Brahim, dans la banlieue ouest d’Alger, prémices d’un réseau de plusieurs autres points de vente programmé sur cinq ans, avec la création d’une centaine d’emplois en attendant d’atteindre 500 postes. La franchise en Algérie de cette marque américaine est pilotée par le groupe Azadea, propriété d’hommes d’affaires libanais et spécialiste de la vente en détail qui gère une quarantaine de franchises au Moyen-Orient et en Afrique.

L’annonce de l’ouverture du KFC à Alger a été très médiatisée, manière de conjurer les grandes difficultés qu’affronte tout projet de franchise en Algérie. L’enseigne Quick s’y est déjà confrontée et a été obligée de fermer ses trois points de vente à Alger en 2011, au bout de quatre ans d’activité. Les difficultés d’importation, la cherté des baux commerciaux et la dure législation sur les transferts financiers de et vers l’étranger ont découragé plusieurs grosses marques, faisant de l’Algérie l’un des rares pays africains à n’accueillir aucune enseigne mondiale de fast-food. Ainsi, les obligations relatives aux contrats signés avec la maison mère, pour assurer que la marque et ses produits sont fidèles aux standards de ces multinationales, sont difficiles à tenir.

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Mais le KFC d’Alger n’est pas – encore – confronté à ces difficultés. Un autre couac d’une tout autre nature a défrayé la chronique le jour même de son ouverture. Répondant à des appels sur les réseaux sociaux, un groupe de jeunes, hommes et femmes, pancartes (« KFC soutient le génocide à Gaza », par exemple) et keffiehs en renfort, s’est rassemblé devant l’immense devanture rehaussée du portrait du colonel Sanders. Le petit groupe de manifestants exigeait la fermeture du KFC, accusé d’être une entreprise qui soutient financièrement Israël. Depuis l’éclatement de la guerre entre Israël et le Hamas, les appels au boycott se sont multipliés à travers le monde contre des firmes pour leur « soutien » supposé à Israël, et la liste est longue… En janvier dernier, le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) a désigné les sociétés KFC et Pizza Hut comme une « cible de boycott organique » en raison de la « complicité des marques dans le génocide israélien et l’apartheid contre les Palestiniens ». « Pizza Hut et KFC appartiennent tous deux à la société américaine Yum ! Brands, connue pour ses investissements dans des start-up israéliennes », lit-on sur le site officiel du mouvement BDS. D’après Reuters, qui reprend Yum ! Brands, les ventes ont reculé de 5 % au dernier trimestre 2023 au Moyen-Orient, en Turquie et dans le nord de l’Afrique. Le rassemblement a été vite dispersé par la police, qui aspergea de gaz les plus téméraires alors que des clients, nombreux, étaient dans l’enceinte du fast-food. Un déphasage saisissant. La police interpelle quelques manifestants – les rassemblements sont strictement interdits – et ne les relâche qu’en fin de soirée.

Toujours ouvert

Trois jours plus tard, dans la nuit de mardi à mercredi, a circulé sur les réseaux sociaux une vidéo montrant le « voilage » de l’enseigne : la grande pancarte de la marque avec le souriant colonel Sanders se drapa d’un tissu noir, avant qu’il ne soit carrément enlevé. « C’est une victoire », s’enthousiasme-t-on sur les réseaux sociaux. Le lendemain, mercredi dans la matinée, le restaurant est resté fermé. « Mission accomplie : le restaurant KFC de Dely Brahim a déjà fermé ses portes. Cap sur les trois restaurants KFC qui opèrent encore en… Palestine », ironise Mahmoud sur les réseaux sociaux en postant le listing des trois fast-foods à Hébron, Toulkaram et Ramallah.

Mais coup de théâtre peu avant midi mercredi : le restaurant rouvre et sert ses menus à une foule nombreuse. Tout semble fonctionner normalement, à l’exception de l’absence de la grande pancarte. Un drôle de compromis semble avoir été trouvé entre les gérants et les autorités : continuer à travailler normalement mais sans la grande enseigne sur la devanture. « Finalement, le KFC a rouvert, mais celui qui mange là-bas doit savoir qu’il est en train de manger la chair de ses frères et sœurs palestiniens », commente un internaute en colère sur Facebook. « En même temps, commente un autre, les prix exorbitants suffisent à boycotter ce genre d’enseignes. » Reste à savoir comment réagira la maison mère en voyant sa franchise privée de l’enseigne du colonel Sanders sur la devanture. Affaire à suivre.




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