« L’impasse de la France avec l’Algérie vient de la méconnaissance des racines islamiques du pays »
« L’impasse de la France avec l’Algérie vient de la méconnaissance des racines islamiques du pays »
Marianne : En quoi « l’Algérie islamique » est-elle un « déni français » ?
Éliane Bedu : Après la défaite de l’émir Abd El-Kader en 1847, chef de la résistance qu’il menait au nom du djihad, la France a cru vaincre l’islam. Elle a pensé pouvoir le soumettre en réprimant sa pratique et en administrant ses institutions. À travers la mise en place de la Politique Musulmane, le gouvernement français s’est efforcé de dépouiller les Algériens de leur identité. La répression de la pratique religieuse, l’abolition du système juridique islamique, l’imposition d’un enseignement en français, ainsi que la réquisition des lieux sacrés – souvent profanés par l’armée ou revendus par l’administration coloniale, visaient à réduire les Algériens à une « poussière d’individu », comme l’écrivait Jules Cambon, gouverneur d’Algérie de 1891 à 1897.
Cependant, en tentant de mener ce « génocide identitaire », la France n’a pas réalisé le pouvoir fédérateur de l’islam, une religion que les universitaires européens considéraient comme inférieure aux autres cultes et dépourvue de spiritualité. Ce « déni » n’a fait que consolider l’image de l’islam en tant que symbole de l’opposition anticolonialiste. En 1930, à l’occasion du centenaire de la colonisation, un officier de l’armée française déclarait : « Nous ne fêtons pas seulement l’anniversaire d’un siècle de présence française, mais aussi l’enterrement de l’islam ». Non seulement l’islam n’avait jamais été vaincu, il servait désormais de pilier au nationalisme émergent en Algérie, la conduisant ultimement à la libération du joug colonial.
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