Hervé Bopda, riche héritier accusé de centaines d’agressions sexuelles, a été arrêté

La pression sur les autorités camerounaises était devenue trop forte. Chaque jour depuis le 19 janvier, de nouveaux témoignages diffusés sur les réseaux sociaux accusent Hervé Bopda d’agressions sexuelles. Plusieurs plaintes de femmes ont été déposées et des pétitions demandant l’arrestation de cet héritier d’un riche industriel camerounais ont recueilli plusieurs milliers de signatures. Sur X, le mot-clé #stopBopda est devenu viral.

L’emballement est tel qu’une partie de sa famille a demandé dans un communiqué « que les juges puissent faire la lumière sur cette scabreuse affaire », tout en appelant au respect de la présomption d’innocence. Face au scandale, mercredi 31 janvier, Hervé Bopda a été arrêté par la police judiciaire aux alentours d’1 h 45 chez son oncle.

Figure de la jet-set de Douala, l’homme de 45 ans est accusé au fil des récits d’être un prédateur sexuel hors norme ayant sévi pendant deux décennies. A l’initiative d’un lanceur d’alerte, N’Zui Manto, qui le qualifie de « plus grand violeur de l’histoire du Cameroun », des récits de femmes et d’hommes ne cessent d’affluer, racontant des crimes sexuels mais aussi l’impunité dont bénéficiait ce garçon de bonne famille et de riche condition.

Hervé Bopda est le fils d’Emmanuel Bopda Fodouop, décédé en 2020, un homme d’affaires qui a d’abord fait fortune dans l’import-export de matériaux de construction, à la tête de sa société, Groupe Afrique construction, créée en 1988. L’affaire est une telle réussite que l’entreprise conquiert des marchés au Gabon et au Congo-Brazzaville, puis se diversifie dans l’immobilier et le foncier.

Un homme aux réactions imprévisibles

Figure de la haute société de Douala, la capitale économique camerounaise, Emmanuel Bopda Fodouop offre à Hervé une éducation prestigieuse, d’abord au collège Liberman de la ville portuaire, une institution privée catholique parmi les plus anciennes et les mieux cotées de la ville, puis au Sacré-Cœur de Makak. Des établissements où l’élève, brillant, ne fréquente que les descendants des grandes familles camerounaises.

Hervé Bopda renforce encore son réseau à l’âge adulte lorsqu’il rejoint son père à la gestion du groupe familial – avant d’entrer dans une lutte pour l’héritage du groupe avec ses frères et sœurs. Depuis 2020, la société est sous administration provisoire. L’héritier, devenu à son tour businessman, fréquente les clubs de Douala et devient un personnage puissant qui bénéficie de passe-droits. Bon vivant, il aime mener grand train, apprécie avant tout le whisky et le champagne et ne fume que des cigares.

Plusieurs sources attestent qu’il se déplaçait entouré de militaires et de gendarmes parfois, ou de policiers. Sur une vidéo, diffusée par le lanceur d’alerte Nzui Manto, il est salué par un militaire de la garde présidentielle, la garde prétorienne du président Paul Biya, et un policier appartenant à la sécurité du palais. Des honneurs normalement réservés aux personnalités officielles.

Cela ne semblait néanmoins pas suffire à assurer la sécurité de l’héritier. Plusieurs sources qui l’ont croisé le décrivent en possession d’une arme de poing, alors que de nombreuses victimes présumées d’Hervé Bopda affirment avoir été agressées sexuellement sous la menace d’une arme.

« Ce jour-là, nous étions trois, assis autour d’une table pour discuter, raconte une source interrogée par Le Monde. Plusieurs fois, il a sorti son arme, il a engagé une balle dans le canon puis l’a posée sur la table avant de la ranger de nouveau. Le tout avec un sourire. » Selon cette source, Hervé Bopda est un homme aux réactions imprévisibles, « en train de rire et la seconde d’après balancer son verre contre un mur ». D’autres proches le décrivent comme un homme impétueux et belliqueux, sujet à des accès de colère.

Acculé par les accusations, toujours plus accablantes, Hervé Bopda ne se montrait plus, ces derniers jours, dans les lieux branchés de Douala. Certains des restaurants chics de l acapitale économique où il avait ses habitudes ont fait savoir qu’ils interdiraient désormais l’accès de leur établissement à l’héritier. Le propriétaire d’un des appartements qu’il louait a aussi annoncé qu’il avait résilié son bail. C’est désormais entre les murs de la police judiciaire que cet homme au cœur du plus grand scandale sexuel du Cameroun est contraint de résider.