pourquoi cette convergence contre « les forces du mal » ?

pourquoi cette convergence contre « les forces du mal » ?


En pleine crise entre Bamako et Alger, après la dénonciation par la junte des accords d’Alger de 2015, l’Algérie s’est impliquée dans un autre dossier régional inflammable : la crise au Soudan.

Le 28 janvier, le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhan, est arrivé à Alger pour une visite officielle de deux jours. Le Soudan fait face depuis avril 2023 à une terrible guerre civile, passée sous les radars de l’actualité, opposant l’armée du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) du général Mohammed Hamdane Daglo (dit « Héméti »), et qui a fait des milliers de morts, dont entre 10 000 et 15 000 dans une seule ville du Darfour (Ouest), et 8 millions de déplacés.

« Création de zones de tension »

Cette visite surprise, inédite à bien des égards, intervient alors qu’Alger soupçonne des « puissances » régionales de parasiter son action à l’étranger ou, pire, de déstabiliser ses frontières. Mi-janvier, Alger avait exprimé « ses regrets concernant les agissements hostiles à l’Algérie, émanant d’un pays arabe frère ». Formule diplomatique ciblant les Émirats arabes unis, accusés depuis des mois par des voix autorisées ou des médias proches des officiels de « comploter » contre l’Algérie, et d’avoir même eu un rôle proactif dans le délitement de la relation entre Alger et Bamako. « Les Émirats arabes unis, le Maroc ou Israël agissent depuis longtemps dans [le Sahel] et ont mis l’Algérie dans une situation de tension permanente et de guerre d’usure latente et très coûteuse pour son économie », a récemment analysé le diplomate et ex-ministre algérien Abdelaziz Rahabi. « Le pouvoir malien actuel semble avoir été inscrit dans cette stratégie indirecte, car son nouveau langage inamical et belliqueux dépasse largement ses moyens propres et le confine au statut d’auxiliaire dans le nouveau projet du Sahel », a-t-il ajouté. De son côté, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, avait affirmé que les « Émirats arabes unis mènent une guerre contre l’Algérie à travers la création de zones de tension au niveau des régions frontalières du pays », avec comme objectif de faire plier Alger sur sa position antinormalisation avec Israël. Le rapprochement de pays arabes avec Israël, piloté activement par Abou Dhabi, est condamné par Alger.

« Visé par les forces du mal »

Lors de sa visite à Alger fin janvier, le général Abdel Fattah al-Burhan a déclaré que « le Soudan fait l’objet actuellement d’un complot de partenaires régionaux et internationaux, et certains vendus parmi les nationaux complotent contre leur peuple ». De son côté, son homologue algérien a indiqué que son pays « se tient aux côtés du peuple soudanais pour dépasser la conjoncture difficile que vit ce peuple frère visé lui aussi par les forces du mal ». « Les mêmes puissances régionales qui interfèrent dans de nombreuses crises en Afrique, notamment en Libye et au Mali, sont désignées par les analystes comme étant derrière la rébellion menée par Héméti au Soudan. Ce dernier compte les Émirats arabes unis parmi ses principaux soutiens directs », commente le site d’information Tout sur l’Algérie (TSA).

Alger et Khartoum sur la même ligne

Au lendemain de la visite du général Al-Burhan à Alger, le représentant permanent du Soudan auprès de l’ONU, Al-Harith Idris, avait accusé les Émirats arabes unis de « parrainer et de financer le conflit au Soudan en soutenant les Forces de soutien rapide (FSR) ». Il y a un mois, Khartoum avait expulsé des diplomates émiratis de son territoire. En août, le journal américain Wall Street Journal avait cité des responsables ougandais affirmant avoir trouvé des armes dans un avion-cargo censé transporter de l’aide humanitaire émiratie à des réfugiés soudanais au Tchad. Abou Dhabi avait démenti à l’époque. Le même journal avait auparavant indiqué que des livraisons d’armes pour les FSR auraient transité au Soudan via Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen soutenu, à son tour, par les Émirats arabes unis. En novembre 2023, Al-Burhan – lui-même soutenu par l’Égypte – va même jusqu’à qualifier Abou Dhabi d’« État-mafia qui a pris le chemin du mal » en soutenant les FSR.

« L’Algérie a toujours favorisé le règlement des différends et des conflits internes par une approche purement interne, loin de toute forme d’ingérence étrangère », avait insisté le président algérien en recevant Al-Burhan. Un message clair sur la convergence des hostilités contre l’émirat du Golfe et alors que se prépare laborieusement une conférence intersoudanaise dans les prochaines semaines.


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