Maroc-Algérie : querelle au Sahel

Maroc-Algérie : querelle au Sahel

Le torchon brûle entre le Mali et l’Algérie. La junte malienne a rompu un accord conclu en 2015, sous l’égide de l’Algérie, avec les rebelles séparatistes touaregs. Bamako n’a que peu goûté la réception, fin 2023, de plusieurs figures de la rébellion indépendantiste malienne par les autorités algériennes accusées par le colonel Maïga de prendre le Mali pour « un État paillasson, sur fond de mépris et de condescendance ». Contacté par le JDD, Alexandre Del Valle considère que « l’Algérie est, en partie, à l’origine du problème malien ». Selon le géopolitologue, « elle a très souvent joué le jeu des séparatistes dans le Nord du Mali, dans une logique de diviser pour régner ». Dans un communiqué publié vendredi dernier par le ministère algérien des Affaires étrangères, Alger dit regretter cette « décision malheureuse » qui constitue selon elle « une source de menace pour la paix et la stabilité régionale ». C’est aussi une nouvelle perte d’influence de l’Algérie au Sahel, puisque la Mauritanie a elle aussi décliné une offre d’Alger au profit d’un rapprochement avec le Maroc.

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Offensive diplomatique et commerciale du Maroc au Sahel

Mohammed VI a proposé au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad de désenclaver leurs économies. Comment ? Grâce à la mise en place d’une zone de libre-échange jusqu’au port de Dakhla dans le Sahara occidental. Une zone contrôlée majoritairement par l’Empire chérifien et sur laquelle le Maroc revendique sa souveraineté. Rabat se dit prête à mettre ses « infrastructures routières, portuaires et ferroviaires » à la disposition de ces quatre pays du Sahel qui devront instaurer une task force pour favoriser la sécurité dans la région. Proposition à laquelle ont répondu favorablement fin décembre les pays concernés. Pour le Maroc, c’est un joli coup qui permet de réduire l’influence du rival algérien dans cette région et qui s’explique, selon Alexandre Del Valle, par le fait que « le Maroc a une stratégie fondée sur des accords gagnant-gagnant, tandis que la capacité d’influence de l’Algérie dans la même zone se limite à un pouvoir de nuisance ».

L’enjeu du gaz…

Le contrôle du Sahel est un enjeu économique important pour le Maroc comme pour l’Algérie. Rabat et Alger ont chacune un projet de gazoduc avec le Nigeria pour alimenter l’Europe et remplacer le gaz russe. Les travaux du pipeline marocain viennent de démarrer. Le premier tronçon prévu entre le Sénégal et le Maroc devrait être mis en service en 2028. Long de 5 565 kilomètres, ce gazoduc est le fruit d’une longue négociation entre Mohammed VI et les représentants des onze pays africains situés le long de la côte atlantique. Les derniers protocoles d’accord avec la Côte d’Ivoire, le Liberia et le Bénin ont été signés en juin 2023. Son concurrent algérien, le gazoduc transsaharien, a pris du retard. Long de 4 128 kilomètres, il part des champs gaziers du Nigeria, traverse le Niger et ses zones instables pour rejoindre Alger. Sa mise en service est prévue pour 2027.

… et du Sahara !

Depuis l’indépendance en 1956, le Maroc revendique sa souveraineté sur le Sahara occidental. Territoire sur lequel un conflit l’oppose aux indépendantistes du Front Polisario soutenus par l’Algérie. « La querelle Algérie-Maroc s’est toujours répercutée au Sahel, précise Alexandre Del Valle, car les Marocains essayent de reconstituer une zone d’influence importante. » Rabat considère en effet qu’avant la colonisation, l’Empire marocain comprenait le Sud et l’Ouest de l’Algérie, le Nord du Mali, la Mauritanie et le Sahara occidental. Voilà pourquoi, pour Mohammed VI, la marocanité du Sahara n’est pas négociable. Et c’est d’ailleurs ce qui a provoqué la rupture diplomatique des relations entre l’Algérie et le Maroc en 2021. Cette querelle peut-elle aujourd’hui s’amplifier ? Souvent présentés comme deux peuples frères, tout oppose désormais Marocains et Algériens. Y compris leurs soutiens. Les États-Unis pour le Maroc. La Russie pour l’Algérie. Moscou a récemment décidé de soutenir, comme Alger, les indépendantistes sahraouis.

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