« Élimination honteuse », la défaite des Pharaons à la CAN 2024 exaspère les Égyptiens , Jeune Afrique


« Élimination honteuse », la défaite des Pharaons à la CAN 2024 exaspère les Égyptiens

Publié le 1 février 2024

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« Bah, c’est le dernier de nos soucis », lâche Mohamed, le visage triste, après que l’Égypte a dit adieu à la Coup d’Afrique des nations (CAN), en 16es de finale, face à la RDC. Si la chance a servi le pays durant les phases de qualification, la contre-performance en Côte d’Ivoire de l’équipe nationale a dépité les supporters. Le soir du 28 janvier, ils étaient plus de 150 jeunes regroupés au café Alaa al-Dine, dans le centre-ville du Caire, pour regarder le match contre les Congolais. Comme tous les autres, Mohamed Abdellah s’attendait à un match facile : avec sept titres à leur actif, les Pharaons ne sont-ils pas l’équipe la plus titrée du continent ? Les voilà pourtant sortis sans gloire – et sans avoir remporté la moindre victoire – de la compétition panafricaine.

Avant l’ouverture de la compétition, les médias égyptiens assuraient encore que la sélection qui allait se présenter en Côte d’Ivoire était « la meilleure version de l’équipe nationale depuis 2010 », c’est-à-dire la dernière CAN gagnée par les Pharaons. « On a Mohamed Salah, la vedette de Liverpool, Mostafa Mohamed, l’attaquant du FC Nantes, et même Omar Marmoush, l’aile gauche qui joue au Bundesliga », rappelle Mohamed. « Même les joueurs ont participé à une pub sous le slogan : changez l’endroit où vous regardez les matchs, la malchance pourrait partir », ajoute le jeune trentenaire.


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Mais dès la première rencontre – un match nul contre le Mozambique –, les supporters ont découvert une équipe sans plan. « À chaque match, on attendait que leurs performances s’améliorent, mais ça n’est pas arrivé. Cela a confirmé notre intuition : cette équipe ne va pas très loin », se lamente Mohamed. Après trois matchs nuls, les Pharaons se sont qualifiés in extremis en 16es de finale grâce à la défaite inattendue du Ghana face au Mozambique. Sur les réseaux sociaux, les Égyptiens se sont moqués : « Nous sommes qualifiés en étant les moins pires deuxièmes de leur groupe. »

Mais la défaite constitue, pour les fans, une « élimination honteuse » et l’heure est maintenant à la recherche de responsables. Une députée a interpelé le Premier ministre, Mostafa Madbouli, ainsi que le ministre du Sport et de la Jeunesse, Ashraf Sobhy, sur le sujet. Ce dernier a également fait l’objet d’une demande de convocation devant le Sénat.

Le régime sur le banc des accusés

Car si les médias ont traité la défaite des Pharaons sur un plan strictement footballistique, les citoyens-supporters, eux, y ont rapidement vu une nouvelle preuve de l’échec du pouvoir, déjà patent, dans le domaine économique. Mohamed lui-même se dit déprimé. Il est sans travail depuis un an et, à ses yeux, le revers essuyé par son équipe n’est autre que le reflet de l’état général du pays et de sa mauvaise gestion.

« Le football en Égypte est très politisé, l’échec sur le terrain se traduit pour le peuple comme celui du régime en place, qui sera accusé de ne même pas avoir réussi à gérer ce dossier », explique Said Sadek, professeur en politique sociale à l’université privée égypto-japonaise du Caire. « Le football est vu comme un moyen d’évacuer la colère des Égyptiens dans un pays qui traverse une crise économique forte. La déception née de l’élimination n’en est que plus forte. »


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La CAN a d’ailleurs coïncidé avec une nouvelle chute du cours de la livre égyptienne au marché noir : il fallait 54 livres pour acheter 1 dollar début janvier 2024, le taux est maintenant passé à 73 pour 1 (contre 30,9 pour 1 au cours officiel). Cette chute libre affecte les denrées essentielles et les médicaments, dont les prix ont doublé, voire triplé, et une partie, notamment les produits importés, est devenue introuvable.

« Les Égyptiens sont fortement préoccupés par la crise économique et l’échec du régime à la contrôler, qu’ils observent déjà depuis deux ans. La défaite de l’équipe nationale ne fait que confirmer ce sentiment », répète Said Sadek. « Ça n’aurait pas été juste de voir du bon football alors que le pays souffre sous un régime autoritaire et corrompu, conclut Mohamed avec colère. Dieu merci, le régime ne pourra pas profiter du football pour alimenter sa propagande. »


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