Ce projet que Giorgia Meloni veut vendre à l’Afrique


Ce projet que Giorgia Meloni veut vendre à l’Afrique

Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, exulte. Le sommet Italie-Afrique, qui se tient les 28 et 29 janvier à Rome, pourrait consacrer son fameux « plan Mattei ». Un projet qui, en moins d’un an, est devenu un axe prioritaire de la politique étrangère de la Péninsule, qui fait parallèlement de gros efforts pour prendre le leadership diplomatique européen en matière de relations avec le continent africain. Un moment clé pour Giorgia Meloni, à l’heure où l’Italie assure la présidence tournante du G7 et se prépare aux élections européennes de juin 2024.

À Rome, ce week-end, plusieurs présidents – dont Macky Sall (Sénégal), Kaïs Saïed (Tunisie) et Denis Sassou Nguesso (Congo) –, des chefs de gouvernement – comme le Libyen Abdel Hamid Dbeibah ou le Marocain Aziz Akhannouch – et des ministres venus d’une vingtaine de pays africains ont répondu à l’invitation de Giorgia Meloni, qui a aussi convié l’Union africaine (UA), l’UE – avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola –, ainsi que des institutions internationales, parmi lesquelles l’ONU, la FAO, des bailleurs de fonds internationaux (FMI) et des banques multilatérales de développement, dont la Banque africaine de développement (BAD), et même un observateur du Saint-Siège.


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Réuni au Palazzo Madama, siège du Sénat italien, ce parterre était particulièrement curieux du contenu du plan Mattei, du nom d’Enrico Mattei, qui avait fait de la compagnie pétrolière étatique, Agil, la puissante Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) en basant les contrats passés avec les pays du continent sur un principe d’équité. Tout comme les participants seront très attentifs aux contours de cette « nouvelle » coopération Europe-Afrique que la présidente du Conseil annonce plus équitable.

Dans les faits, l’Italie entend s’imposer comme le principal intermédiaire entre l’Europe et l’Afrique en matière d’approvisionnement en énergie. Elle propose, dans les grandes lignes, de se fournir sur le marché de l’énergie en Afrique de manière privilégiée, tout en participant, par le partage de la technologie et du savoir-faire, au développement des pays fournisseurs. Histoire pour l’Italie d’assurer sa sécurité énergétique et de se prémunir contre les défaillances d’approvisionnement et échapper aux diktats éventuels de pays comme la Russie. En présentant ce projet, Giorgia Meloni se défend de toute prédation et prône une relation d’égal à égal.

Un modèle à dupliquer­

La dirigeante italienne profite également du lancement de ce plan pour développer sa stratégie migratoire, en affirmant que miser massivement sur le développement a pour effet de juguler la migration clandestine et en estimant qu’il faut dupliquer l’expérience tunisienne, qu’elle a initiée, avant de laisser à l’UE le soin d’établir, sur les bases défrichées par Rome, un mémorandum d’entente avec la Tunisie.

Le rêve de Giorgia Meloni serait de voir ce modèle – qu’elle juge duplicable dans tous les pays par lesquels transitent des flux migratoires – reproduit avec l’Égypte et la Libye. Toujours dans une logique de troc, l’Europe donnant les moyens à la Tunisie de contrôler la migration irrégulière moyennant une aide au développement.


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Jusqu’à présent toutefois, le fameux mémorandum n’est pas, selon des sources tunisiennes, entré en application à 100 %. Ce qui n’empêche pas la cheffe du gouvernement italien d’assurer qu’une baisse de la migration depuis la Tunisie est effectivement observée. Mais elle omet de préciser que, dans le même temps, le nombre de personnes tentant la traversée depuis la Libye a, lui, augmenté.

Malgré ces résultats mitigés, la présidente du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia martèle que sa méthode de négociation permettra un « changement de paradigme » et jouera un rôle, grâce à la médiation italienne, « dans la capacité à aider les pays africains à croître et à devenir plus riches ».


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Mais pour ses détracteurs de la gauche italienne, le « plan Mattei » est une coquille vide qui tend à formater les relations avec les pays africains en les payant pour qu’ils gardent « leurs » migrants. « Ce ne peut pas être à l’Italie seule de gérer la relation de l’UE avec l’Afrique », estime ainsi le président des sénateurs du Parti démocrate, Francesco Boccia, tandis qu’un observateur sénégalais ajoute que l’Afrique doit commencer par satisfaire ses propres besoins en énergie avant de couvrir ceux des autres. Le sommet, qui se déroule sur deux jours, est d’ailleurs aussi conçu pour recueillir certains avis divergents, l’idée étant officiellement « d’étoffer le plan Mattei comme base de partenariat ».

La Tunisie, premier pays pilote

Et pour mieux convaincre ses potentiels partenaires africains, Giorgia Meloni a anticipé. Selon des sources proches de la diplomatie italienne, il est pratiquement acquis que la Tunisie sera, dès février 2024, le premier pays pilote à tester le plan Mattei, notamment son volet énergétique, avec probablement la production d’hydrogène vert à Zarzis dans une perspective d’export vers l’Italie.

Un type de partenariat qu’assurent jusqu’à présent en bilatéral des agences de développement, comme l’allemande GIZ, et qui pourrait donc devenir une sorte de monopole italien. Le tout avec l’aval de l’actuelle direction de l’UE, qui semble se mettre en retrait pour laisser l’Italie à la manœuvre.

Dernière question soulevée par les médias italiens : quel sera le coût de cet ambitieux projet ? Officiellement, les estimations gouvernementales sont confidentielles, mais certains journaux évoquent une facture de 4 milliards d’euros sur quatre ans prélevés sur le fonds climat italien, et destinés prioritairement aux pays africains en risque de précarité. Les autorités ont déjà annoncé que 2,8 millions d’euros par an seront attribués sur la période 2024 et 2026 pour le lancement du projet et la création d’une agence de coordination du plan Mattei.

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