le business et la realpolitik avant tout – L’Express
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Un peu plus de six mois après avoir été reçu en grande pompe à Paris pour le défilé du 14 juillet, le Premier ministre indien Narendra Modi a réservé un accueil royal à Emmanuel Macron. Invité d’honneur du 75e anniversaire de la fête nationale du pays, le Republic day, ce vendredi 26 janvier, le président français avait débuté la veille une visite d’Etat de deux jours à Jaipur, la capitale de l’Etat du Rajasthan.
Pour son « cher ami » Emmanuel Macron, le Premier ministre indien a sorti le grand jeu. Les deux dirigeants se sont offert une parade dans les rues de Jaipur. Des pétales de fleurs ont été jetés sur leur cortège alors que la foule scandait des « Modi, Modi », agitant des drapeaux indiens et quelques drapeaux tricolores français. Ce vendredi matin, c’est en calèche, tel un monarque, qu’Emmanuel Macron a rejoint le traditionnel défilé militaire, aux côtés de la présidente indienne Droupadi Murmu.
Ce faste a probablement pour objet de compenser par la forme une visite qui risque de manquer de substance. Emmanuel Macron a accepté d’être le second choix en remplaçant Joe Biden qui devait être cette année l’invité d’honneur de l’Inde. Le président américain avait finalement décliné en décembre 2023, sur fond de malaise entre les deux pays : les Etats-Unis venaient en effet de révéler une tentative d’assassinat attribuée aux services secrets indiens d’un séparatiste sikh sur leur sol. La visite du chef de l’Etat français a donc dû être organisée en un temps record de quarante jours.
L’inquiétude des défenseurs des droits humains
Avec l’Inde, la France se montre pragmatique, notamment parce que Paris lorgne des nouveaux contrats de défense. Le géant sud-asiatique a déjà acheté 36 Rafale français pour son armée de l’Air et a annoncé, en juillet 2023, une commande de 26 nouveaux Rafale pour la Marine, toujours en cours de négociations, et de trois sous-marins. Paris espère également vendre six réacteurs nucléaires : la France négocie depuis plus de dix ans déjà la construction d’une centrale nucléaire à Jaitapur, dans le sud de l’Inde, qui serait la plus grande du monde. Mais le dossier semble toujours bloqué.
A la veille de sa visite en Inde, les organisations de défense des droits humains ont attiré l’attention d’Emmanuel Macron sur les dérives inquiétantes du régime du nationaliste hindou. « Cela fait des années que nous alertons les autorités françaises des dérives autoritaires du régime et de ses attaques répétées contre les institutions publiques et les contre-pouvoirs (universités, justice, médias) », a fait valoir Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty international France. « De nombreux groupes marginalisés et minorités dans le pays sont discriminés par la société et menacés par la haine », a-t-il poursuivi, enjoignant la France à ne pas rester silencieuse.
La visite d’Emmanuel Macron se déroule alors que le régime de Narendra Modi semble avoir basculé. Quelques jours avant la visite du chef de l’Etat français, le Premier ministre, brouillant la frontière entre politique et religieux, a inauguré triomphalement un temple hindou à la gloire du dieu Ram en lieu et place d’une mosquée détruite par des fanatiques hindous en 1992. Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le sort des minorités religieuses, et plus particulièrement des 200 millions de musulmans, inquiète dans ce pays où la laïcité est pourtant garantie par la Constitution.
Une journaliste menacée d’expulsion
Alors que les autorités indiennes ont déroulé le tapis rouge pour Emmanuel Macron, elles menacent d’expulser la correspondante de La Croix et du Point installée en Inde depuis plus vingt ans. Accusée de reportages « malveillants », Vanessa Dougnac, l’une des meilleures connaisseuses de la région, a nié les accusations qui pèsent contre elle. Le pays, autrefois caractérisé par une presse dynamique et critique, se classe aujourd’hui à la 161e position sur 180 pays, du classement annuel de la liberté de la presse réalisé par Reporters sans Frontières.
Vanessa Dougnac est interdite d’exercer son métier en Inde depuis septembre 2022. L’ambassade de France en Inde et l’Elysée ont à de multiples reprises tenté d’intervenir. En vain. Signe de l’affirmation croissante de l’Inde, qui n’est plus prête à faire des concessions aux Occidentaux.
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