Défilé, diplomatie, défense… Quel est l’objectif de la visite de Macron en Inde ?

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Défilé, diplomatie, défense… Quel est l’objectif de la visite de Macron en Inde ?


Il flottera, ce vendredi 26 janvier, comme un air de déjà vu, à New Delhi. Comme chaque année, l’Inde organise sa grande parade militaire pour fêter la 75e édition de la Fête de la Constitution indienne (« Republic Day »). Et comme invité d’honneur, Narendra Modi a choisi Emmanuel Macron. Comme pour lui rendre la pareille. En juillet dernier, c’est le Premier ministre indien qui avait été reçu à l’occasion du défilé du 14-Juillet. « Il s’agit d’une marque de confiance particulièrement importante de la part des Indiens à l’égard de la France », s’est félicité l’Élysée.

À l’instar de Narendra Modi, qui avait assisté au défilé à la Concorde, Emmanuel Macron suivra la parade indienne depuis la tribune officielle, qu’il rejoindra à bord d’un fiacre. Et comme en juillet dernier, le pays invité aura l’honneur d’ouvrir le bal. En France, quelque 240 militaires indiens avaient défilé sur les Champs-Élysées. Ce vendredi, un contingent français, constitué de 140 militaires de l’armée de terre ainsi que deux chasseurs Rafale et un avion ravitailleur français, s’illustrera à l’occasion de la commémoration de l’entrée en vigueur de la Constitution indienne, trois ans après son indépendance, en 1947. Signe de la vitalité du partenariat entre les deux pays.

Cependant, selon la presse indienne, Emmanuel Macron n’était pas le premier choix de Narendra Modi, qui avait d’abord contacté Joe Biden. Une invitation qui était restée sans réponse.

Un comité français important

Mais cette visite, qui devrait durer deux jours, ne se résumera pas à la Fête de la Constitution indienne. Narendra Modi réserve, d’abord, à son homologue français un accueil en grande pompe, jeudi à Jaipur, « pays des rois », capitale régionale de l’État de Rajasthan, à 200 kilomètres au sud de New Delhi et réputée pour ses palais, ses maharajas et ses éléphants. Emmanuel Macron va alors rencontrer des artistes et échanger avec de jeunes Indiens dans l’imposant décor du Fort d’Amber, avant de rejoindre le Premier ministre.

À LIRE AUSSI Inde : la méthode Narendra ModiEt pour insister sur l’importance de ce déplacement, Emmanuel Macron ne se déplacera pas seul. Il sera accompagné de Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères, et de Rachida Dati, ministre de la Culture et de Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Outre ces membres du gouvernement, le chef d’État a invité des chefs de PME, de TPE et de grandes entreprises (dont EDF, Dassault Aviation, Naval Group et Cap Gemini), ainsi que l’astronaute Thomas Pesquet.

La géopolitique, sujet central de cette visite

Si François Hollande, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac s’étaient également déplacés en Inde, puissance économique et nucléaire incontournable, cette invitation revêt un écho particulier au regard du poids stratégique croissant de New Delhi et des ambitions de la France dans cette région du monde. En première ligne face à la Chine, rivale numéro un des États-Unis, avec laquelle elle entretient aussi des relations compliquées, l’Inde est également proche de la Russie. Le géant asiatique a d’ailleurs refusé de sanctionner Moscou pour son invasion de l’Ukraine, allant même jusqu’à acheter le pétrole que les Européens ont décidé de boycotter. L’Inde reste d’ailleurs le principal fournisseur d’armes à la Russie.À LIRE AUSSI Chine-Inde : guerre froide aux Maldives« L’Inde est, dans le contexte actuel, un partenaire clé pour contribuer à la paix et la sécurité internationale », a précisé la présidence française. Et Emmanuel Macron souhaite faire de la France un acteur de la zone Asie-Pacifique et une puissance d’équilibre, en jouant le rôle de passerelle entre le Nord et le Sud. L’échange avec New Delhi est donc un passage obligatoire.

Les deux dirigeants vont également aborder plusieurs dossiers importants, dont l’Ukraine, le Moyen-Orient et la Chine. 

Défense, nucléaire et astronomie 

La présence de certains invités en Inde s’explique par les nombreux sujets qui seront traités par Emmanuel Macron et Narendra Modi. Les deux pays cultivant de longue date des liens de défense, les négociations quant à l’acquisition de 26 Rafales supplémentaires seront à l’ordre du jour. Ces avions de combat destinés à la Marine viendra s’ajouter aux 36 déjà commandés et aux trois sous-marins Scorphène. En revanche, aucune annonce ne devrait être faite au terme de ces deux jours.

Cette visite sera également l’occasion de poursuivre les discussions sur les six réacteurs EPR que la France souhaite vendre à l’Inde pour sa centrale de Jaitapur, dans l’État de Maharashtra, dans le centre du pays. Ce projet, dans les tuyaux depuis quinze ans, pourrait bientôt aboutir. Selon une source indienne, un accord-cadre pourrait être conclu cette semaine.

À LIRE AUSSI Claude Markovits : « Juger l’Inde à partir de nos États-nations, c’est négliger sa diversité »L’astronomie et la conquête spatiale ne devraient pas, non plus, être laissées de côté, les deux pays partageant de nombreux programmes, notamment satellitaires. Ils visiteront un observatoire astronomique installé au 18e siècle par des jésuites.

La gronde des ONG

Mais cette visite est surtout vue d’un mauvais œil par les défenseurs des droits humains. Plusieurs ONG, ainsi que l’ONU, accusent Narendra Modi de dérives autoritaires et de répression des minorités religieuses.

Human Rights Watch a d’ailleurs interpellé Emmanuel Macron, lui demandant de ne « pas ignorer la terrifiante répression des minorités religieuses, des médias indépendants, des opposants politiques et des organisations de défense des droits humains qui a lieu actuellement en Inde ». Elle demande également au chef de l’État français d’aborder ces questions. « Il n’y a pas de sujets tabous, mais le but est de les évoquer dans le respect et avec pour objectif de parvenir à des résultats concrets », tempère un conseiller présidentiel.

À LIRE AUSSI Inde : les somptueuses broderies de MumbaiÀ l’instar des ONG, les sikhs accusent l’Inde de cibler les activistes indépendantistes et demande à Emmanuel Macron de faire marche arrière quant à sa participation au Republic Day. En boycottant la cérémonie, il montrerait « sa solidarité » avec les gouvernements américain et canadien qui ont pointé du doigt la responsabilité de l’Inde dans des attaques de sikhts à l’étrangers, précise Dabinderjit Singh, activiste à Londres.

Expulsion d’une journaliste française

Un dernier sujet, diplomatique cette fois, risque de s’inviter lors de cette visite. Mardi, la journaliste Vanessa Dougnac, collaboratrice de plusieurs publications francophones dont « Le Point », a déclaré qu’elle risquait d’être expulsée d’Inde, où elle travaille depuis 22 ans. New Delhi lui reprocherait des reportages qualifiés de « malveillants et critiques ». Selon le ministère de l’Intérieur, son travail serait « contraire » aux intérêts nationaux, créerait une « perception biaisée de l’Inde » et pourrait provoquer « des troubles et perturber la paix ».

La journaliste, qui a couvert plusieurs sujets chauds, comme l’insurrection maoïste naxalite en cours dans certaines parties de l’Inde rurale, a nié « toutes les allégations et accusations » portées contre elle dans la lettre. « L’Inde est ma maison, un pays que j’aime et respecte profondément, et je ne me suis jamais livrée à aucun acte préjudiciable aux intérêts indiens », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

L’Inde est réputée pour ne pas respecter le principe d’une presse libre. Le pays, accusé d’étouffer les médias indépendants, a chuté à la 161e place (sur 180) dans le Classement mondial de la liberté de la presse.


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