« En Afrique, les Indiens se présentent comme une alternative aux Chinois »
« En Afrique, les Indiens se présentent comme une alternative aux Chinois »
Chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Jean-Joseph Boillot estime que l’Afrique représente pour l’Inde un « joker » face à la Chine.
Où en sont les ambitions indiennes de se déployer plus largement en Afrique ?
Il ne faut pas les comparer aux ambitions chinoises ou mêmes françaises car les modalités d’intervention sont très différentes. L’Etat central joue un rôle modeste. Mais un net tournant a été pris par les entreprises indiennes il y a une dizaine d’années. Après s’être orientées vers les pays occidentaux et y avoir enregistré des déconvenues, elles ont compris qu’il était plus facile d’aller sur les marchés en développement et de proximité, comme l’Afrique.
Même si l’on reste très loin des chiffres chinois, l’Inde est désormais le deuxième partenaire commercial du continent. Elle est aujourd’hui un géant en Afrique, mais assez invisible. Cette relation se construit aussi à partir des très nombreuses communautés d’origine indienne implantées sur place depuis des générations, et d’ONG qui sont extrêmement actives dans des segments comme la microfinance ou la médecine low cost.
Dans quels secteurs, justement, l’Inde joue-t-elle un rôle important en Afrique ?
Il y a eu une percée des entreprises indiennes de toutes tailles dans des secteurs comme les transports, avec les motos par exemple, ou les petits équipements mécaniques. Au moment où l’offre chinoise est en train de monter en gamme, les produits indiens correspondent bien aux besoins des consommateurs africains. On retrouve aussi des acteurs indiens dans les services, la santé, mais également l’agriculture.
En effet, l’Inde, qui est le numéro deux mondial pour la production agricole, est menacée par une pénurie de terres. Elle recherche donc en Afrique des terrains pour exploiter le riz, l’arachide ou les palmiers à huile. Et dans les matières premières, elle va se fournir en ressources qu’elle ne produit pas, ou plus, elle-même : les minerais critiques, le pétrole, l’or et les diamants.
L’Inde est-elle en mesure de rivaliser avec la Chine en Afrique ?
Les deux pays ne jouent pas dans la même cour en termes d’influence géopolitique ou économique. Mais les Indiens se présentent comme une alternative : grâce à eux, il n’y a pas que les biens made in China. De même, l’Afrique représente un joker pour l’Inde. Pour s’en sortir face à son adversaire chinois, il lui fallait construire de nouvelles alliances.
C’est pourquoi il y a eu, depuis une quinzaine d’années, un renforcement de l’axe Inde-Afrique, avec un réseau diplomatique de plus en plus étoffé. Il s’agissait de soutenir le développement du commerce privé dans une région perçue comme un marché de consommateurs important et un réservoir de matières premières stratégiques. Mais aussi de raffermir les relations avec ce continent composé de cinquante-cinq pays, qui détient un poids déterminant dans les prises de décision à l’ONU et dans d’autres instances comme l’Organisation mondiale du commerce.
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