Après l’attaque d’un navire au large de ses côtes, la politique internationale de l’Inde en question

- Advertisement -

Après l’attaque d’un navire au large de ses côtes, la politique internationale de l’Inde en question

Un navire marchand a été attaqué non loin des côtes indiennes. Le théâtre de crise entre mer Rouge et mer d’Arabie s’élargit. Le partenariat entre l’Inde et Israël en forme un autre paramètre.

Il y a là tout un concentré de la mondialisation du commerce maritime. Le MV Chem Pluto a subi samedi une frappe de drone « kamikaze », en mer d’Arabie à quelque 400 kilomètres du Gujarat, l’Etat indien le plus à l’ouest du pays. Il a finalement pu gagner Bombay en toute sécurité, malgré d’importants dommages. Aucun blessé n’a été signalé au sein de l’équipage, en totalité de nationalité indienne, hormis un ressortissant vietnamien.

Ce navire chimiquier, qui acheminait du pétrole brut d’Arabie Saoudite vers l’Inde, est propriété d’une société japonaise, bat pavillon du Libéria et est opéré par une compagnie néerlandaise, toutes précisions livrées par le ministère américain de la Défense. Précisions auxquelles on pourra ajouter celle fournie par Ambrey Analytics, le spécialiste britannique de la gestion du risque maritime: ce navire serait lié à des intérêts israéliens.

Joshua Hutchinson, un ancien des commandos de la marine royale, directeur général d’Ambrey Analytics, explique que les transporteurs sont au courant que ce type d’attaques ciblent généralement des bateaux de marchandises « affiliés » à Israël, mais que par le passé des navires qui n’étaient pas « affiliés » à Israël ont aussi été touchés « par erreur ».

L’Inde « doit faire quelque chose »

Le Pentagone assure que c’est un engin tiré depuis l’Iran qui a atteint le MV Chem Pluto, affirmation que Téhéran dit « totalement sans fondement ». Pour le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, les Etats-Unis essaient de la sorte de « dissimuler leur plein soutien aux crimes » d’Israël dans la bande de Gaza. Des spécialistes, y compris en Inde, ont, quoi qu’il en soit, du mal à envisager que le mouvement yéménite houthi allié de l’Iran, qui perturbe à grande échelle le trafic en mer Rouge, dispose des moyens de frapper aussi loin de ses positions au sol au Yémen.

Pour le moment, le gouvernement indien se garde, quant à lui, de relier l’incident aux Iraniens. La marine indienne fait savoir que des analystes techniques approfondies seront nécessaires pour établir avec certitude quel a été le « vecteur » d’attaque, y compris le type et le modèle d’explosif utilisé. Dans un commentaire reprochant à l’Occident d’avoir précédemment empêché l’Arabie Saoudite « d’éliminer » la rébellion houthi, un analyste stratégique de l’ORF, un centre d’études proche de l’appareil diplomatique indien, rappelle que New Delhi est normalement réticent à s’insérer dans une mission militaire plurinationale, comme celle que les Américains ont mise en place en mer le 18 décembre autour du Yémen, l’opération Gardien de la prospérité.

Mais, poursuit Sushant Sareen, l’Inde « doit faire quelque chose, car cela affecte ses propres intérêts ».

La marine a entamé le déploiement de trois bâtiments de guerre en mer d’Arabie et d’avions de reconnaissance afin de « maintenir une présence dissuasive ».

Pro-Israël

Pour l’un des principaux titres de la presse de la capitale, le Hindustan Times, il n’y a pas lieu d’attendre les résultats des investigations: l’Iran a lancé « un grand avertissement » visant à ce que le gouvernement de Narendra Modi cesse d’appuyer celui d’Israël. Le 6 novembre, le président iranien Ebrahim Raïssi a eu un entretien téléphonique avec le Premier ministre indien, dont le compte-rendu effectué par Téhéran faisait pourtant apparaître une communauté de vues pour faire cesser l’opération armée israélienne contre la bande de Gaza, après l’attaque du 7 octobre contre Israël par le mouvement palestinien Hamas.

Toutefois, la posture dite de non-alignement de l’Inde n’était déjà plus en vigueur. Le 27 octobre, elle s’est abstenue à un vote de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à une « trêve humanitaire ». Et ce grand pas de côté ne représente que l’un des facteurs démontrant que New Delhi est « devenu pro-Israël », une thèse que développe Nicolas Blarel, enseignant-chercheur à l’Université Leiden (Pays-Bas), auteur de L’évolution de la politique israélienne de l’Inde (éd. Oxford University Press).

Peur noire sur la mer Rouge
Peur noire sur la mer Rouge

Proximité idéologique

Dès de le début de cette guerre, les réseaux militants du BJP, le parti nationaliste hindou aux affaires depuis bientôt dix ans, ont dressé un parallèle avec une lutte à mener, dans leur optique, face à la minorité musulmane indienne et, par-delà, la coalition INDIA, l’opposition politique réunie en vue des élections législatives de 2024. Un ex-haut fonctionnaire indien, dans une chronique publiée quelques heures avant la frappe du MV Chem Pluto, a dénoncé cette tentative d’analogie que rechercherait une majorité au pouvoir en quête de « domination ethnique ». Sajjad Hassan écrit dans Scroll.in que les autorités à travers le pays ont ainsi recours à des « méthodes israéliennes pour affiner leurs propres pratiques de contrôle des populations minoritaires ».

Cette proximité idéologique avec la droite israélienne, assumée de fraîche date, l’Inde la traduit aussi en importations massives d’armements israéliens, dont elle est même devenue le plus important débouché extérieur: 42% du total. Le contraste de la relation avec l’Iran semble alors de plus en plus saisissant.

New Delhi et Téhéran sont engagés ensemble dans deux immenses projets de transit commercial asiatique: le corridor international de transport Nord-Sud, entre l’Inde et la Russie via l’Iran et la mer Caspienne, et puis, le développement du port océanique de Chabahar, dans le sud-est iranien. Jusqu’ici, les plans initiaux n’aboutissent aucunement et ce qui vient de se passer en mer d’Arabie ne risque pas de contribuer à en accélérer les cadences.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international

Cet article est apparu en premier sur https://www.bfmtv.com/economie/international/apres-l-attaque-d-un-navire-au-large-de-ses-cotes-la-politique-internationale-de-l-inde-en-question_AV-202312260417.html


.

- Advertisement -