Cameroun : les LFC Awards célèbrent le cinéma camerounais, africain et caribéen | TV5MONDE
Cameroun : les LFC Awards célèbrent le cinéma camerounais, africain et caribéen | TV5MONDE
C’est en 2018 que la cinéaste bénino-camerounaise Françoise Ellong Gomez crée les LFC Awards – Le film camerounais Awards. Une initiative qui, à l’origine, c’est-à-dire deux ans plus tôt, se présente d’abord sous la forme d’un blog dédié au cinéma camerounais.
Une manifestation qui ambitionne d’intégrer le public
Encouragée par le succès du blog, Françoise Ellong Gomez lance la première édition des LFC Awards, qui créent d’emblée « une connexion forte entre les cinéphiles et leurs acteurs et actrices favoris. » Les quatre premières éditions de cette manifestation vont être consacrées essentiellement au cinéma camerounais.
Pour la fondatrice, il s’agit d’abord de permettre aux populations locales de s’emparer de l’événement et d’ancrer le fait qu’il s’agit d’une récompense camerounaise.
« Et pour la 5e cérémonie, on savait qu’on voulait faire en réalité un événement à la fois panafricain et international. Et c’est pour la 5e édition que nous avons inauguré l’entrée de la compétition internationale. », nous a confié Françoise Ellong Gomez.
Et elle ajoute : « On a donc la grande compétition qui est camerounaise, et puis une compétition internationale qui concerne l’Afrique, la diaspora africaine et les Caraïbes. »
En revanche, il n’y a qu’un seul jury dont les membres sont d’horizon très divers. On y trouve des cinéastes, des cinéphiles, des journalistes culturels, des critiques de cinéma, des écrivains, des musiciens…
Un choix délibéré de la fondatrice Françoise Ellong Gomez, qui espère ainsi intégrer davantage le public, tout en favorisant les échanges entre différentes catégories de personnes en contact avec les films, ne serait-ce que le temps d’une compétition.
Le jury des LFC Awards est ainsi présidé par une cinéphile, Doris Jiofack, qui vit au Canada. « En tant que cinéphile passionnée de cinéma africain en général, et camerounais en particulier, j’ai été séduite par cette idée en laquelle j’ai vu, au-delà de l’opportunité de justement donner mon point de vue sur notre cinéma, la possibilité de contribuer à la valorisation des cinéastes, de célébrer leur talent et les mettre en lumière. », souligne Doris Jiofack.
Et comme à chaque édition, l’annonce du palmarès est précédée par des master class qui, pour cette sixième édition, sont consacrées au casting et à la direction d’acteurs. Petite particularité cependant, il s’agit ici de master class croisées, afin d’avoir une vue panoramique de chaque thématique.
Aux origines du cinéma camerounais
Auteur du film d’animation « Mboa matanda. Le tournoi des rois », sélectionné en compétition officielle lors du dernier festival du film de Toronto, au Canada, le cinéaste camerounais Jules Eyango fait partie des réalisateurs nominés cette année.
« C’est une grande fierté pour moi parce que le jury des LFC Awards reconnaît la qualité du travail que j’effectue dans le film d’animation au Cameroun », nous a-t-il confié.
L’absence d’infrastructures de qualité sur l’ensemble du territoire camerounais, risque cependant de ne pas permettre à une partie des populations de voir un tel film.
« […] Si l’on excepte les centres culturels étrangers (Institut français, Institut Goethe) et quelques lieux culturels privés tels qu’Africréa, Salle Saint Josué à Yaoundé ou Douala Bercy, le réseau Canal Olympia avec deux salles de cinéma, cinéma Eden, une initiative privée, les filières cinéma et musique restent handicapées par le manque d’infrasstructures de qualité destinées à l’accueil de spectacles musicaux ou cinématographiques. », écrivent les universitaires Georges Madiba et Ive Archil Tchinda, dans un article paru il y a quelques mois.
Pourtant, juste après les indépendances en 1960, le Cameroun est l’un des premiers pays africains à s’être engagé dans la voie du cinéma. En 1973, les autorités camerounaises créent le FODIC, le Fonds du développement de l’industrie cinématographique.
A travers cette institution, les pouvoirs publics soutiennent alors la production cinématographique par des financements directs, mais aussi à travers le système de billetterie organisée et contrôlée, un peu comme en France.
Les pionniers de cette ère « plutôt faste » pour le 7ème art camerounais se nomment alors Daniel Kamwa, Jean-Pierre Dikongue Pipa (Etalon de Yennenga en 1976, au FESPACO, pour son film Muna Moto) ou encore Thérèse Sita Bella.
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, marquées par l’apparition des ajustements structurels un peu partout sur le continent, le FODIC disparaît et le cinéma camerounais perd l’un de ses piliers.
Malgré tout, durant cette décennie et surtout dans les années 2000, des cinéastes de grand talent comme Bassek Ba Kobhio, Osvalde Lewat, Hélène Ebah, Narcisse Mbarga, Alain Fongué, Cyrille Masso ou encore Jean-Pierre Bekolo, émergent et continuent de donner vie au cinéma camerounais.
Un cinéma dynamique malgré les difficultés de financement
Toujours dans les années 2000, le succès de Nollywood, l’une des vitrines du cinéma nigérian, la révolution numérique et l’action de promotion des partenaires étrangers (Institut français du Cameroun, Institut Goethe, Centre culturel espagnol…), contribuent au renouveau du cinéma camerounais.
« En 2001, prenant conscience des mutations qui s’opéraient progressivement dans le secteur culturel camerounais (cinéma et musique), les pouvoirs publics ont décidé de la création d’un Compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle », nous rappellent les universitaires Georges Madiba et Ive Archil Tchinda.
Malheureusement, la loi de finances 2020 a suspendu ce compte, malgré le contexte économique difficile suite à la pandémie de Covid-19. Pourtant, soulignent Georges Madiba et Ive Archil Tchinda, les industries culturelles et créatives « constituent une véritable aubaine économique pour les pays organisés. »
Et pour un pays comme le Cameroun qui compte près de 27 millions d’habitants, le marché potentiel des industries culturelles et créatives est important.
En dépit de ce contexte plutôt difficile, les acteurs de l’industrie cinématographique camerounaise se battent pour exister.
« Jusqu’en 2016, avant la guerre dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest, le Cameroun produisait en moyenne une quinzaine de longs métrages par an, grâce à la dynamique héritée du système Nollywood, et qui était aussi localement un brassage entre les francophones et les anglophones. », nous a confié le journaliste et critique cinéma Martial Ebénézer Nguéa.
Cette dynamique s’est notamment appuyée sur la Cameroon Film Industry, une organisation créée en 2008 et qui regroupe plus de mille personnes (producteurs, réalisateurs, comédiens…). Mais depuis que les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont ravagées par la guerre, la production a diminué. La pandémie de Covid-19 a évidemment aggravé la situation.
Malgré tout, les cinéastes camerounais résistent et continuent de travailler dur. En 2021, « The fisherman’s diary », inspiré de l’histoire du prix Nobel de la paix Malala Yousafzaï et réalisé par Enah John Scott Akwuondoghoh, est préselectionné pour les Oscars. Mais surtout, ce film fait partie cette année-là des quatre long-métrages camerounais achetés par Netflix – les trois autres sont Broken de Anurin Nwunembom, Therapy de Musing Derick et Anurin Nwunembom et A man for the weekend de Achille Brice.
D’ailleurs, dans un courrier daté du 17 novembre dernier, la Cameroon Film Industry a annoncé que « Half Heaven » de Enah John Scott Akwuondoghoh, représentera à nouveau le Camerou lors de la 96ème édition des Oscars qui se tiendra en mars prochain aux Etats-Unis.
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