[Tribune] La symphonie Armor-Indienne… inachevée

L’inde contemporaine a le plus grand nombre d’étudiants : un sur quatre dans le monde, parlant anglais. Il serait temps de s’en apercevoir en France, dans une mondialisation largement anglo-saxonne. La Bretagne et l’Inde ? Un appui sur l’Histoire pour un envol vers l’avenir ? Une Bretagne ambiguë, qui exporte bien sur le plan culturel mais médiocrement sur le plan économique, ayant préféré un moment le leurre chinois. Déjà, et grâce à l’AADI (Alliance Armor Dupleix Inde), la Bretagne est la région de France ayant le plus d’échanges entre lycéens avec l’Inde, et Morlaix pourrait être un comptoir de l’Inde moderne en France, ayant inspiré des personnages audacieux : les Tromelin, Brossard/Missour Aly qui y sont nés, et surtout la famille de Joseph Dupleix « des Indes », plus connu dans le reste du monde, et dont trois autres membres ont tant apporté à la Bretagne et à Morlaix, tous ignorés par des tabous idéologiques.
Partageant au début cet élan, on a abdiqué très vite vers un international « facile » et un peu narcissique, comme la Région et sa « celtitude » vers des voisins déjà très courtisés. Feu l’Institut franco-indien de Bretagne n’a pas été un échec mais un abandon par les partenaires institutionnels et leurs objectifs à court terme. Et pourtant, en dépit de réserves sur ses dérives du moment, l’Inde reste une démocratie fréquentable, davantage que d’autres mieux en cour, et avec un potentiel trop longtemps sous-estimé. Non seulement sur le plan intellectuel, immense, mais aussi économique, sur des thèmes entrepreneuriaux spécifiques à la Bretagne (blue economy, agro, TIC, aéronautique, algues, tourisme, etc.), tandis que d’autres régions, moins bien loties à cet égard, se font mieux connaître en Inde. De belles réussites ponctuelles de Bretons en Inde, bien que réelles, restent rares et illustrent au contraire un déficit anormal qui risque de se payer un jour. « Les élus du peuple » (sic) n’aiment pas qu’on cherche à les « influencer » ?

Sont-ils devenus intouchables et leurs objectifs indiscutables ? La vraie culture, le progrès, c’est comme la gymnastique, ça peut coincer un peu… Le courage, la vision ? Si les Dupleix et autres aventuriers de notre région avaient été nos politiques d’aujourd’hui, nombre des plus beaux moments de notre histoire n’auraient jamais eu lieu. Le narratif de la France est absent des discours de nos édiles locaux. La Région n’adhère plus ? Et alors ? Dupleix, mieux reconnu par les Anglais qui l’ont d’ailleurs imité, ne suivait pas les directives timorées de son management royal, il en a d’ailleurs été puni et disgracié. Certes, il n’avait pas bon caractère, mais un bon siècle plus tôt et contrairement aux cruautés de la colonisation, il savait y faire. Confondant message et messager, pourquoi Morlaix ne se lance pas seule dans un projet à long terme innovant qui recevrait ensuite des soutiens plus larges ? Aide-toi, le ciel t’aidera. Faire échanger les futurs cadres de nos pays, les jeunes Indiens, ouverts, brillants, mondialisés, qu’on ne voit pas assez, leur transmettre certaines de nos valeurs que leur contexte actuel ne leur offre pas, et créer un vivier dynamique des acteurs de demain, dans lequel les familles indiennes sont souvent des entrepreneurs. Quant aux soutiens non financiers, en étant un « ouvreur » auprès d’autres instances et partenaires, c’est un rêve : « On n’est pas là pour ça », dit un des responsables économie à Morlaix.

La symphonie est belle, que nos soutiens en soient remerciés, mais elle sera peut-être poursuivie par d’autres acteurs, que la presse saura mettre en avant. Morlaix a reçu cinq ambassadeurs de l’Inde, un privilège pour la Bretagne, pourtant l’ambassade a compris que d’autres régions sans narratif historique avec l’Inde ont une vision plus réaliste d’une coopération fructueuse.