Au Cameroun, le meurtre de l’épouse du coordonnateur du MRC suscite l’émoi – Jeune Afrique

Au Cameroun, le meurtre de l’épouse du coordonnateur du MRC suscite l’émoi – Jeune Afrique

Les chaises encore éparses témoignent de la violence des évènements qui se sont produits au domicile du couple Zamboué dans la nuit du 6 au 7 septembre derniers. Les témoignages des rares proches disposés à se remémorer de ce qu’ils ont vu ce jour fatidique où Suzanne Maffo, épouse Zamboué, a perdu la vie rajoute encore à l’émotion.

Scène de crime

C’est dans la modeste résidence de la défunte, située au lieu-dit quartier Jouvence, dans la périphérie de Yaoundé, que nous les rencontrons, peu de temps avant qu’ils ne quittent cette maison devenue scène de crime. « C’est effrayant de vivre ici, raconte Sandrine, une des sœurs de la victime. Avant-hier, des hommes cagoulés ont fait irruption en pleine journée, sans que l’on sache pourquoi ils étaient là. Nous avons donc décidé de nous reloger chez d’autres membres de la famille le temps des enquêtes. »

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Une semaine après la découverte du corps sans vie de Suzanne Zamboué, les circonstances de son décès demeurent une énigme. Ses proches, qui tentent de retracer le film des évènements, les situent entre 19 et 22 heures. « Elle était au téléphone avec sa fille, raconte la source précédemment citée. Il y a eu une coupure de lumière dans le quartier. Ça a duré environ 1h30. C’est probablement durant ce moment que cela s’est passé. »

C’est le fils de Suzanne Zamboué qui découvrira son corps, après avoir été alerté par une lumière inhabituelle dans un des salons de la résidence. Sa mère gît inerte, ligotée, bâillonné et baignant dans une mare de sang. « Le corps présentait des marques de torture », croit savoir sa sœur.

Corps mis sous scellés

Les éléments de la brigade de gendarmerie de Biyem-Assi seront les premiers sur les lieux. Ce sont eux qui vont transporter le corps à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé, lequel a été mis sous scellés par le procureur en attendant les conclusions de l’enquête.

La tâche s’annonce pour le moins difficile, en raison de l’absence de témoin direct. Ni les voisins ni la nièce de Suzanne Zamboué, qui dormait à l’intérieur, n’ont entendu le moindre bruit. « C’est une affaire qui a été classée sensible », a indiqué à Jeune Afrique le commandant de brigade de Biyem-Assi, Emmanuel Mballa.

« Lorsque nous sommes arrivés, aucun cordon de sécurité n’avait été installé et aucune autre mesure de protection des lieux n’avait été prise, déplore pourtant Me Hippolyte Méli, l’un des avocats de la famille. La scène de crime a probablement été souillée. C’est un manquement grave ». La famille s’inquiète également de la disparition d’un document qu’elle a signé et qui dressait la liste des pièces mises sous scellés.

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Au regard de ces curiosités, les avocats de la famille ont déposé une requête auprès du procureur le 11 septembre dernier, afin que la brigade de gendarmerie de Biyem-Assi, pourtant territorialement compétente, soit dessaisie de l’affaire. Le dossier a donc été confié à la première région de gendarmerie et placé sous la responsabilité du lieutenant-colonel Mvogo Abanda Guy Hervé, chef du service des recherches judiciaires et de la lutte contre le grand banditisme. C’est cette unité réputée pour ses succès dans le démantèlement de nombreux réseaux de grand banditisme qui a donc retracé les téléphones de la victime, avant de procéder aux premières interpellations. Une dizaine de personnes ont été arrêtées, dont le fils de la victime, Cabrel Zamboué.

La piste du drame familial

Car la piste du drame familial semble être celle suivie par les enquêteurs. Ces derniers auraient en effet trouvé des débris d’une montre lui appartenant sur la scène du crime, ce qui laisserait croire que le décès de la victime serait la conséquence d’une dispute ayant mal tourné. Le suspect a déjà rejeté ces accusations, affirmant que sa montre s’était brisée lorsqu’il tentait de réanimer sa mère.

Alors que nous écrivions ces lignes, la garde à vue de Cabrel Zamboué se poursuivait, même si elle n’avait pas été officiellement prolongée bien qu’ayant dépassé le délai légal de 48 heures, renouvelable une fois. Une situation difficile pour la famille. « Que les enquêteurs explorent toutes les pistes possibles et qu’ils ne cherchent pas à faire porter le chapeau à un innocent », soupire l’un de ses proches.

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En attendant, l’assassinat de Suzanne Zamboué continue de faire des vagues dans l’opinion. Ce vendredi 15 septembre, une manifestation était ainsi prévue devant les locaux de l’ambassade du Cameroun en Belgique. Il faut dire que l’enseignante de 60 ans était une militante active du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti d’opposition que Yaoundé tient à l’œil depuis la présidentielle de 2018.

Un lien avec son activisme politique ?

Son époux, Pascal Zamboué, est quant à lui le coordonnateur du MRC. Cet opposant, comme Bibou Nissack ou Alain Fogue, compte parmi les militants récemment condamnés à 7 ans de prison pour leur participation aux manifestations organisées par leur parti en septembre 2020.

Est-ce la raison pour laquelle certains membres de sa famille politique ont voulu faire le lien entre ce crime et son activisme ? « Il est difficile ne pas lier sa torture et son assassinat à ce que subissent les militants de notre parti », a affirmé Maurice Kamto, le leader du MRC, dans une vidéo diffusée sur Facebook. « La vérité tient à un bout de fil qu’il faut trouver. Nous n’en sommes pas loin », conclut Me Hippolyte Meli.

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