Inde: comment le gouvernement Modi utilise l’histoire comme instrument politique

Inde: comment le gouvernement Modi utilise l’histoire comme instrument politique

Publié le :

Le 1er décembre, l’Inde a pris pour un an la présidence du G20. C’est une fierté pour ce pays émergent, que le gouvernement de Narendra Modi veut également utiliser pour promouvoir sa version de l’histoire au service de sa propre idéologie nationaliste. L’un des slogans mis en avant est en effet que l’Inde est la « mère de la démocratie ». Une affirmation contestée par beaucoup d’historiens indiens et qui dénote avec les atteintes portées aux droits démocratiques dans le pays.

Avec notre correspondant à New Delhi, 

On voit sur une vidéo de promotion du gouvernement indien le Premier ministre, Narendra Modi, prendre symboliquement le bâton de la présidence du G20 – ce groupe des 20 pays les plus industrialisés, devenu de plus en plus important sur la scène mondiale – au nom de l’Inde. Ce pays y est décrit comme « la mère de la démocratie ». On retrouve cette appellation à de nombreuses reprises dans la communication indienne. Elle est justifiée par New Delhi, en s’appuyant sur un livre qui vient d’être publié par le Conseil indien de la recherche historique, sous la coordination de son secrétaire, le professeur Umesh Ashok Kadam.

« Des éléments de démocratie sont présents en Inde de manière continue depuis l’époque védique, soit plus d’un millénaire avant notre ère. Mais cela n’a pas été compris par les colons. Ils ont exclu les textes religieux, qu’ils considéraient comme des textes épiques et non de l’histoire, alors que ces écrits montrent qu’il y avait des conseils de village où toute la communauté participait », explique ce dernier. 

► À lire aussi Inde : les laissés-pour-compte du « modèle du Gujarat »

« Réécrire l’histoire de manière glorieuse dans le but d’inspirer les générations futures »

Ce sont les mots du ministre de l’Intérieur, lors d’une déclaration récente, et c’est dans ce sens que travaille ce centre de recherche public. Mais le risque de tordre la réalité existe toujours. Ces conclusions sont contestées par beaucoup d’historiens indiens, comme Mahalakshmi Ramakrishnan, professeure d’histoire ancienne à l’université Jawaharlal Nehru. 

« Il est connu qu’au XXe siècle, un village du Tamil Nadou organisait l’élection d’un conseil de représentants. Mais c’est un village de brahmanes, les élites et prêtres locaux. Ce n’est même pas au niveau régional, et encore moins généralisé à la société indienne. Ce n’est donc pas la même chose que de parler de démocratie telle qu’on la perçoit aujourd’hui », rectifie la chercheuse. 

Cet exemple dévoile notamment à quel point, pour les nationalistes hindous au pouvoir, l’histoire est un outil politique qui peut être remodelé pour servir leur idéologie. C’est l’analyse Nilanjan Mukhopadhyay, écrivain spécialisé dans le mouvement nationaliste hindou :

Ces gens ont une vision qui place les hindous au centre de l’Histoire. Ils modifient le passé pour démontrer que les musulmans sont des étrangers et des traîtres dans ce pays, et s’en servent pour glorifier l’histoire hindoue. Pour ce faire, ils utilisent les textes mythologiques comme preuves historiques.

Depuis huit ans que Narendra Modi est au pouvoir, les journalistes sont poursuivis pour leurs écrits et les arrestations d’opposants au régime se sont multipliées.

► À lire aussi Inde : le BJP de Narendra Modi remporte une victoire écrasante dans le Gujarat

Cet article est apparu en premier sur https://www.rfi.fr/fr/podcasts/reportage-international/20221231-inde-comment-le-gouvernement-modi-utilise-l-histoire-comme-instrument-politique


.