En Inde, les dirigeants du Kerala mâtinent de religion leur communisme tropical pour séduire l’électorat hindou

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En Inde, les dirigeants du Kerala mâtinent de religion leur communisme tropical pour séduire l’électorat hindou

Des artistes indiens de kathakali lors d’un rassemblement des partisans du Parti communiste indien marxiste (CPI-M) à Pathanamthitta, dans l’Etat du Kerala (Inde), le 21 avril 2019. Le kathakali est une forme de danse classique qui trouve ses origines dans les temples et les arts populaires (comme le Krishnanattam, jour de l’anniversaire de Krishna).

Où voir défiler des communistes brandissant de concert les effigies de Karl Marx, Friedrich Engels et Krishna, huitième avatar du dieu Vishnou, dans les défilés du parti prônant le matérialisme dialectique ? Nulle part ailleurs qu’au Kerala, Etat du sud-ouest de l’Inde. Où, dans ce même pays-continent, 100 % des enfants vont à l’école primaire, y compris les filles ? Au Kerala encore, l’Etat socialement le plus avancé de la Fédération indienne. Où l’espérance de vie est-elle la plus élevée (73 ans en ville), la protection médicale universelle en vigueur et l’éducation gratuite pour tous ? Au Kerala toujours, cet Etat qui n’en finit pas, pour la plus grande fierté de ses habitants et du Parti communiste au pouvoir, de battre des records que la plupart des autres Etats de l’Inde lui envient – sans parler d’autres pays de la planète.

Ces performances sur le terrain social ont été à tel point saisissantes que, dans les décades qui ont suivi la formation du Kerala en tant qu’Etat de l’Union indienne – il a été créé sur une base linguistique en 1956 à la suite de la fusion des monarchies de Travancore, de Cochin et du district de Malabar –, de nombreux experts, y compris aux Nations unies, n’ont pas hésité à parler de « Kerala model ».

Un modèle social inédit, mais aussi, peut-être, une survivance d’un passé qui, ailleurs sur la planète, à l’exception des régimes postcommunistes autoritaires chinois ou vietnamiens, est désormais révolu : en 1957, les Kéralais, qui ne manquent pas une occasion de se distinguer, avaient déjà voté pour le Parti communiste indien : ce dernier remporta dans l’Etat une victoire marquant le premier succès d’un PC arrivant au pouvoir par les urnes et non par la force. Par la suite, les communistes n’ont cessé d’accumuler ici les succès électoraux dans le cadre de coalitions politiques un peu hétérogènes, alternant ses passages au pouvoir avec le Parti du Congrès de la famille Nehru-Gandhi lors des différents scrutins législatifs.

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En 2021, le Parti communiste d’Inde (Marxiste) ou CPI (M) – la plus importante des deux branches des PC indiens – a gagné les élections législatives locales pour la deuxième fois consécutive, une performance inédite dans l’Etat depuis quarante ans. Preuve que, comme le pensent les thuriféraires du mouvement, l’avatar indien d’une formation marxiste-léniniste se porte plutôt bien sous ces tropicales latitudes…

« Dernière poche de résistance »

« Le Kerala, c’est un peu notre village d’Astérix », plaisante Venu Rajamony, diplomate et ancien ambassadeur de l’Inde aux Pays-Bas, que l’on rencontre dans sa résidence située sous les cocotiers près de l’un des bras de mer irriguant l’arrière-pays de Cochin, dont la vieille ville fourmille de traces architecturales des présences successives des colons portugais, hollandais et britanniques.

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