Dominique Méda sur le mythe de « la France flemmarde » & le danseur étoile François Alu

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Dominique Méda sur le mythe de « la France flemmarde » & le danseur étoile François Alu

2022 : une année révolutionnaire dans notre rapport au travail, avec Dominique Méda

De « la grande démission » au « 

Quiet quitting », des débats sur la fameuse « valeur travail » aux

enquêtes sur « la flemme », en 2022 on a tout particulièrement questionné le rapport au travail.

Entre le choc de « sens » de la pandémie, les tendances de fond, et la prégnance de nouveaux enjeux (l’environnement et le numérique), comment penser l’avenir du travail ?

Dominique Méda « is the one for this job » ! Philosophe et sociologue, directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales à l’université de Paris Dauphine, elle sait articuler ensemble ces problématiques du travail pour rendre compte des mutations et proposer des alternatives.

« Les Français ne sont pas des flemmards »

L’année se termine sur ce constat : les Français seraient atteints d’une épidémie de flemme. D’après une note de la Fondation Jean-Jaurès et de l’Ipsos, en 1990, 60 % des sondés répondaient que le travail était très important dans leur vie. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 24 %. La sociologue s’élève contre cette expression « épidémie de flemme », dont elle considère que « c’est une très très très mauvaise interprétation ». Elle s’inscrit en faux avec ce glissement sémantique de l’idée de flemme dans le questionnement du rapport au travail. Elle qui a énormément étudié et enquêté sur le rapport des Français et des Européens au travail admet en premier lieu qu’il y a avant tout « un choc énorme sur le rapport au travail. Je ne crois absolument pas qu’on puisse dire que les Français sont moins attachés au travail, ou encore pire, qu’ils seraient devenus flemmards ou paresseux. Cette interprétation n’est pas juste« . Elle suggère une autre explication, et tout particulièrement « la question majeure de ce que sont devenues les conditions de travail aujourd’hui dont le choc qu’ont représenté la crise sanitaire et la crise écologique, l’angoisse liée à ce qu’on produit et à ce qu’on va devenir s’est profondément modifié« .

« Les Français sont attachés au travail, ce sont les conditions d’activité qui sont à la peine »

Dominique Meda tient à rappeler que les Français cultivent toujours énormément d’attentes vis-à-vis du travail, mais précise que le travail a toutefois énormément déçu et déçoit de plus en plus depuis le contexte de la crise sanitaire : « Historiquement, on est plutôt un pays européen attaché au travail. On est positionné avec un lien très fort avec le travail et le mérite par rapport à nos voisins européens. Donc c’est un mythe cette histoire de valeur travail qui serait moins importante en France. Quand on regarde les enquêtes, sur longue période, les Français sont toujours en haut du palmarès à dire que le travail est très important. Mais leurs attentes sont énormes et ils attendent du travail à la fois un bon salaire, que le travail soit intéressant, qu’ils les fassent se sentir utile, recherchent une bonne ambiance de travail. Sauf que comme la déception est grande, comme les conditions de travail sont très médiocres, alors il y a ce fossé qui se creuse de plus en plus. Notamment depuis que la société s’est scandalisée, durant la crise covid, par les conditions de travail des travailleurs de première ligne, des emplois autrefois invisibles. Depuis, cela nous a fait énormément réfléchir sur le rapport aux conditions de travail, à l’utilité sociale des postes et les critères de rémunération. C’est ce qui a entrainé la vague des grandes démissions, entretenue par un énorme ressentiment« .

Le cas des plus jeunes : des attentes professionnelles encore plus fortes

La sociologue contredit l’idée selon laquelle les 25-34 ans seraient deux fois plus démotivés que les autres tranches d’âge en France. Il y a certes un point de bascule générationnel dans le rapport au travail, mais il est à resituer car si les Jeunes se désespèrent c’est surtout parce qu’ils cultivent des attentes importantes dans leur rapport au travail. Ça serait davantage la résultante d’une façon d’accueillir les jeunes sur le marché du travail, d’un type de management : « Ça fait 30-50 ans qu’on entend toujours la même chose sur le rapport des jeunes au travail. Qu’on entend que les jeunes ne veulent plus rien faire… ne sont pas attachés au travail… qu’ils sont matérialistes et ne sont pas suffisamment engagés… Eh bien à chaque fois qu’on étudie ce phénomène de plus près, on trouve tout le contraire ! Les jeunes ont des attentes encore plus fortes que les plus âgés, encore plus intenses. Ils attendent énormément du travail et aujourd’hui ils sont tout simplement déçus de la vision qu’on leur donne du travail. Il faut voir comment on les traite et comment ils arrivent sur le marché du travail. On les fait attendre pendant des mois, voire des années, on leur fait subir des stages pas payés, c’est épouvantable« .

De plus, même si cela ne détermine pas tout, il est certain, selon la chercheuse, que la pandémie a eu une influence importante : « Les jeunes en ont pris plein la figure, ils sont restés enfermés chez eux. Une fois réunies tous les aspects pervers du monde du travail auxquels ils se réfèrent, ils se posent de sérieuses questions sur le travail sans pour autant qu’ils soient désengagés. Ils croient sans doute un peu moins à la capacité des entreprises à changer le monde mais restent attachés au travail« .

Une volonté de reconstruire un nouveau modèle du travail

Les suites de la crise sanitaire et l’inquiétude quant à la transition climatique ont entrainé un grand point de bascule durant cette année 2022. De nombreuses reconversions devraient s’engager à l’aune de la transition écologique. Dominique Meda estime que cette crise écologique arrive à point nommé puisqu’elle va donner du sens, un nouveau point de développement susceptible d’opérer une recomposition sociale et globale du travail, d’apporter de nouvelles tâches plus éco-responsables, des métiers plus reconnaissants globalement : « Il me semble que si on veut vraiment traiter réellement la question du changement climatique et reconstruire complètement notre économie, il va tous falloir bifurquer un moment où un autre, qu’on se reconvertisse à la fois dans nos têtes, mais aussi dans la réalité de l’économie. Il va falloir qu’on change complètement notre économie avec des nouvelles entreprises, des nouveaux métiers, des nouveaux objectifs. Avant d’aller travailler dans une entreprise, de plus en plus de jeunes se demandent ce que qu’une entreprise fabrique et si elle dégrade ou améliore l’environnement.

Cette crise écologique constitue aussi, selon la philosophe, une opportunité pour reconstruire notre économie, développer d’autres secteurs, créer d’autres emplois plus utiles et surtout revoir la gouvernance des entreprises, intégrer plus de démocratie dans l’entreprise avec des employeurs qui se mettent à accéder à des exigences auxquelles ils n’accédaient pas avant : « face aux grandes démissions qui ont engendré des difficultés de recrutement, les employeurs se rendent de plus en plus compte qu’il faut prendre en compte les exigences des demandeurs d’emploi, revoir le temps de travail, les salaires, les conditions de travail et peut-être la manière aussi d’organiser le travail, de prêter attention aux gens qui travaillent, la reconnaissance de manière globale« .

« Comment je me suis réinventé », avec François Alu

Il s’est littéralement transformé en étoile filante ! Sept mois à peine après sa nomination de Danseur étoile à l’Opéra de Paris, et sans avoir joué le moindre rôle,

François Alu a quitté son poste.

Du jamais vu dans l’histoire de l’Institution, cette maison où il n’a cessé de faire bouger les lignes par sa danse, remettant en cause la tradition et le manque d’innovation dans le ballet classique.

Un claquement de porte en forme de décollage vers d’autres cieux. Une démission assumée comme un « envol » artistique pour mieux se réinventer. Mais bon sang, on ne peut pas tout planter comme ça ! Si. Apparemment…

Une François Alu
Une François Alu

© Radio France

Programmation musicale de l’émission

  • Beyoncé – “Cuff it”, 2022
  • Wati Watia Zorey Band – “Mon pois l’est au feu”, 2022

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