En Inde, un « briefing diplomatique » qui passe par la case prison

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En Inde, un « briefing diplomatique » qui passe par la case prison

LETTRE DE NEW DELHI

L’ancienne prison coloniale de Port Blair, dans les îles Andaman-et-Nicobar, en février 2018.

Les ambassadeurs britannique, russe, allemand, australien et les autres membres des délégations étrangères, une quarantaine de personnes, savaient-ils où ils allaient, le 25 novembre, lorsque les officiels indiens les ont emmenés à Port Blair, dans les îles Andaman-et-Nicobar, en préparation du G20, dont l’Inde a pris la présidence pour un an ?

« Une idéologie fasciste »

En préambule d’un « briefing diplomatique », les hôtes indiens ont organisé une visite de l’ancienne prison coloniale de Port Blair, où les Britanniques enfermèrent des criminels et des prisonniers politiques. La délégation a été conduite dans une cellule, transformée en mémorial. C’est là que croupit pendant une décennie, de 1911 à 1921, l’un des personnages les plus controversés de l’histoire de l’Inde, une icône pour les nationalistes hindous, un épouvantail pour les défenseurs d’une Inde diverse et pluraliste. La seule évocation de son nom est devenue hautement inflammable dans l’Inde d’aujourd’hui et déchaîne les passions dans le camp des partisans de Modi.

Il s’agit de Vinayak Damodar Savarkar. Du pénitencier de Port Blair, le prisonnier écrivit Essentials of Hindutva publié en 1923, un ouvrage fétiche de l’extrême droite indienne. Il est le concepteur de l’« hindouité », définie par l’une des spécialistes, l’historienne Audrey Truschke, professeure associée à l’université Rutgers, comme « une idéologie fasciste qui prône la suprématie de l’hindou, notamment sur les musulmans » et dont « l’objectif primordial est de transformer l’Inde d’un Etat laïque en un Etat ethnonationaliste, surnommé le “Rashtra hindou” (nation hindoue) ».

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Comme le rappelle Audrey Truschke, « V. D. Savarkar parlait de l’Inde comme de la patrie et partageait avec les nazis une préoccupation pour la pureté des lignées sanguines. Savarkar et d’autres ont trouvé que le traitement des juifs par Hitler était un modèle utile pour la façon de traiter la minorité musulmane de l’Inde ».

Le sherpa indien du G20 n’a pas tourné autour du pot sur le sens de la visite de la cellule de Savarkar. « Nous avons commencé notre voyage depuis les Andaman parce qu’il y a des combattants méconnus qui ont été emprisonnés dans ce pénitencier. Il est important que cette histoire soit relatée à tous les étrangers et ambassadeurs ainsi qu’aux grandes organisations internationales et à tous les invités », a déclaré Shri Amitabh Kant devant la prison de Port Blair.

Le premier ministre Narendra Modi prie devant un portrait de Vinayak Damodar Savarkar, au Parlement indien à New Delhi, le 1er juin 2014.

Défier le récit des vrais historiens

Le G20 est une opportunité inespérée pour le gouvernement Modi de promouvoir sa propre vision de l’histoire, ses propres icônes et de défier le récit des vrais historiens. Voilà des années que les nationalistes hindous tentent d’élever une figure autre que celles de Jawaharlal Nehru ou du Mahatma Gandhi, les plus célèbres « combattants de la liberté », qui ont lutté contre les colons britanniques, pour l’indépendance de l’Inde, au prix d’années de prison, mais qui appartenaient au Congrès, le grand parti de l’indépendance. Savarkar, bien qu’il ait traversé dans sa jeunesse une période révolutionnaire en s’opposant aux Britanniques – ce qui lui valut d’être emprisonné –, était beaucoup plus ambigu.

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