Algérie, Turquie, Corée du Sud… Comment ils ont tiré profit de la guerre en Ukraine

Algérie, Turquie, Corée du Sud… Comment ils ont tiré profit de la guerre en Ukraine

TURQUIE 

Erdogan, médiateur et profiteur de crise 

D’un côté, ses drones vendus à l’Ukraine laminent les troupes russes ; de l’autre, il rompt l’isolement diplomatique et économique du Kremlin. A mi-chemin entre la Russie et l’Occident, Recep Tayyip Erdogan s’est imposé comme un médiateur incontournable dans la guerre en Ukraine. Après avoir arraché un accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes cet été, le président turc veut accueillir d’éventuelles négociations de paix : c’est à Ankara que se sont retrouvés, le 14 novembre, le patron de la CIA et son homologue russe pour discuter.  

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Dans sa quête d’une stature internationale, Erdogan se permet aussi de faire attendre la Suède et la Finlande à la porte de l’Otan. Et essaye de profiter de son nouveau statut pour renflouer son économie mal en point. « Erdogan joue sa propre partition, ce qui rend la Turquie très populaire en Russie, souligne Kerim Has, politologue turc à Moscou. Non seulement la Turquie ne participe pas aux sanctions, mais elle sert de refuge aux activités financières russes. Les échanges économiques sont au plus haut entre Moscou et Ankara. » De quoi aider le chef de l’Etat pour sa campagne présidentielle de 2023. 

ALGÉRIE 

Le gaz au secours de l’Etat 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune en janvier 2020 à Alger

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune en janvier 2020 à Alger

afp.com/RYAD KRAMDI

Abdelmadjid Tebboune doit une fière chandelle à la Russie, son premier partenaire militaire. Menacé début 2022 par une grogne sociale montante, le président algérien assiste depuis le début de la guerre en Ukraine à un miracle : non seulement les caisses de l’Etat – 3e producteur de pétrole en Afrique – se renflouent grâce à la flambée des cours, mais en prime les dirigeants occidentaux se bousculent au portillon d’Alger pour acheter son gaz.  

L’Algérie, déjà en tête des fournisseurs de l’Espagne, se hisse à la première place en Italie, jadis ultra-dépendante de la Russie. Elle a fait affaire avec la Slovénie et négocie avec le groupe français Engie. Ses capacités de production, limitées, font toutefois craindre des déconvenues. Tebboune convoite déjà les réserves du Nigeria. Un premier accord a été signé en juillet pour acheminer ce gaz vers l’Europe via un pipeline passant par l’Algérie. Une manne que lorgne aussi le grand rival marocain. Entre Rabat et Alger, la guerre des gazoducs ne fait que commencer.  

CANADA  

La revanche du blé  

Le Canada n’aurait pas pu rêver d’une pareille remontada sur le marché du blé. En 2021, la sécheresse historique qui a frappé le pays a fait chuter la production de 40%. Les exportations ont été amputées de 3 millions de tonnes. Le ciel s’est montré plus généreux en 2022. L’ouest du pays est arrosé régulièrement depuis le mois de juin, selon l’agence Statistique Canada, si bien que la production de blé à l’échelle nationale devrait augmenter de plus de 55 % en 2022, soit l’une des trois meilleures récoltes depuis 1908. Une aubaine à l’heure où le monde entier cherche à diversifier ses approvisionnements en céréales, dont l’Ukraine et la Russie sont parmi les premiers producteurs. A eux seuls, les deux pays assuraient, avant la guerre, près d’un quart des exportations mondiales de blé. Grâce aux généreuses moissons de 2022, le Canada pourra gagner des parts de marché à l’étranger. Et ses producteurs devraient en tirer plus de bénéfices, grâce à la hausse des prix des céréales. 

CORÉE DU SUD 

Le roi des méthaniers 

A défaut de pouvoir compter sur le gaz russe, les Européens se ruent sur le gaz naturel liquéfié (GNL) venu du Moyen-Orient, d’Amérique et d’Afrique. Résultat : il faudra toujours plus de méthaniers pour répondre à la demande des années à venir. Cela fait les affaires de la Corée du Sud, dont l’industrie navale s’est imposée, ces vingt dernières années, comme la championne du monde de la fabrication de ces bateaux de haute technologie.  

Ses trois constructeurs (HHI, DSWE et SHI) ont ainsi vu leurs ventes bondir de 46% (en tonnage) au cours des sept premiers mois de l’année et totalisent même, avec 78 navires, les trois quarts des commandes mondiales de méthaniers. Mais cela ne va pas sans poser de nouveaux problèmes : le secteur souffre d’une pénurie de main-d’oeuvre, qui devrait dépasser les 10 000 emplois non pourvus l’année prochaine. Pour tenter d’y remédier, le gouvernement a annoncé que l’obtention de visas pour certains travailleurs étrangers et leurs familles serait facilitée. 

NORVÈGE 

Champion du gaz en Europe 

La plateforme pétrolière "Johan Sverdrup" à 14 kilomètres au large de la ville de Stavamnger, en Norvège (image d'illustration)

La plateforme pétrolière « Johan Sverdrup » à 14 kilomètres au large de la ville de Stavamnger, en Norvège (image d’illustration)

Lars Lindqvist / TT News Agency via AFP

Le secteur norvégien des hydrocarbures ne s’est jamais aussi bien porté. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et la fin des approvisionnements par la Russie, la Norvège est devenue le premier fournisseur de gaz de l’Union européenne.  

Grâce à l’envolée des prix et à la hausse de ses livraisons ces derniers mois, les revenus de l’Etat norvégien provenant des hydrocarbures devraient atteindre plus de 110 milliards d’euros en 2022, et jusqu’à 132 milliards en 2023, contre 27,5 milliards en 2021, selon les autorités norvégiennes. Malgré cette manne considérable, Oslo a pour l’heure rejeté les appels à un plafonnement des prix réclamé par Bruxelles. Au risque de ternir sa réputation auprès de ses partenaires européens, qui l’accusent, en creux, de profiter de la guerre pour engranger des recettes exceptionnelles.  

VENEZUELA  

Des réserves de pétrole très convoitées  

Avec les premières réserves de pétrole prouvées au monde, le Venezuela a des arguments à faire valoir dans le contexte de crise énergétique mondiale. Ce n’est pas un hasard si les Etats-Unis jouent le rapprochement avec Caracas, alors que les relations étaient tendues depuis l’avènement d’Hugo Chavez en 1999. L’apaisement est notamment passé par un échange de sept prisonniers américains, début octobre, contre les deux neveux de l’épouse du président Nicolás Maduro, condamnés en 2017 à dix-huit ans de prison pour trafic de drogue.  

Le 8 novembre, en marge de la COP27 en Egypte, l’envoyé de l’administration Biden pour le climat John Kerry a brièvement rencontré le dirigeant vénézuélien, héritier de Chavez, tandis qu’Emmanuel Macron l’a appelé « président ». Ce qui revient à tirer un trait sur l’opposant Juan Guaidó qui était jusqu’alors considéré comme le président légitime par l’Union européenne. Si Washington voudrait remettre un pied dans son « arrière-cour » latino-américaine, Maduro a exprimé son « fort soutien » à son allié idéologique Vladimir Poutine. 


Charlotte Lalanne, Corentin Pennarguear, Clément Daniez, Paul Véronique et Axel Gyldén


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