Cameroun-Affaire Mebe Ngo’o : Que fait Victor Emmanuel Menye en prison ?

Brillant banquier à la réputation outre-Atlantique, homme d’honneur et patriote convaincu que seuls les intérêts du pays passent avant toutes considérations partisanes, l’ex-DGA de la SCB Attijariwafa, après trois ans de détention et un dossier quasi-vide, attend toujours d’être informé sur les véritables mobiles de son implication dans le dossier de l’ex MINDEF  au Tribunal criminel spécial.

C’est l’histoire d’un expert spécialisé en Banque et finances. Formé à la bonne école et moulé dans les institutions internationales les plus réputées dans le monde, Victor Emmanuel Menye est placé en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé depuis mars 2019 dans une affaire dont il est difficile de déceler le fil d’Ariane. Travailleur performant et rigoureux, celui qui était jusqu’au moment de son interpellation Directeur général adjoint de la SCB Attijariwafa, attend avec impatience que la Justice dise le droit et le disculpe. Mais l’attente se fait longue et l’espoir de voir le mis en cause retrouver la liberté, a visiblement passer le relais au désespoir à cause d’un rouleau compresseur qui a pour funeste dessein de le broyer.

Pourtant, soutiennent certains avocats qui suivent cette affaire depuis son déclenchement, le dossier du sieur Menye est archi-vide ; il ne contient aucun élément à charge. De quoi interroger ce que beaucoup qualifient aujourd’hui d’« acharnement judiciaire » d’une violence et d’un « brutalisme » absurde pour reprendre Achille Mbembe. Appelé pour la première fois dans le box des accusés, mardi dernier, par la présidente du TCS, dans le cadre du procès connu sous l’appellation « Affaire Mebe Ngo’o », du nom de l’exministre de la Défense arrêté pour détournement présumé de deniers publics, l’homme a pourtant prouvé toute sa grandeur.

Homme d’honneur et fidèle à Paul Biya

Homme d’honneur et fidèle aux Lois de la République, il a choisi de démissionner le 11 mars 2019 contre l’avis de ses conseils et de ses proches qui ne comprenaient pas comment un haut cadre de banque de son acabit peut cracher sur de mirobolants avantages que lui confère son poste ainsi que toutes les prérogatives dus à son prestigieux rang. Mais, par respect pour la clientèle de la banque, pour la confiance du Chef d’Etat qu’il ne méritait plus et conscient que son statut carcéral pourrait nuire à la notoriété de la SCB et du groupe Attjariwafa bank, Menye qui percevait un salaire net de 5 millions de Fcfa par mois, a préféré renoncer au lucre alors que pendant six mois il pouvait encore en bénéficier (6 mois c’est la période légale de constatation d’indisponibilité au poste Ndlr).

Dans un pays où la course vers le gain est une seconde nature, le mis en cause a laissé filer un manque à gagner de 30 millions de Fcfa. C’est peut être cette grandeur d’esprit qu’il a voulu mettre en avant lorsqu’à sa première prise de parole devant la barre du TCS, il a exprimé à la fois du soulagement et un profond sentiment d’injustice : « Je souhaite dire que je suis soulagé de prendre la parole après 3 ans de castration sociale, de détention, afin de rétablir mon honneur après l’opprobre jeté sur moi par le Tribunal criminel spécial», a confié l’ex- DGA qui s’étonne et s’indigne d’avoir découvert dans l’ordonnance de renvoi des accusations pour lesquelles il n’a jamais été interrogé par le juge d’instruction.

Privation arbitraire de liberté

Une scène qui rappelle celle du 5 mars 2019 lorsque Menye est convoqué à la barre  comme suspect, mis en garde à vue

et en détention provisoire le 8 mars 2019. Le Juge d’instruction Jean Betea motive alors sa décision sur les infractions suivantes : complicité et coaction de détournement de biens publics avec Mebe Ngo’o et Robert Francetti à concurrence de 1,3 milliards Fcfa ; complicité et coaction de blanchiment aggravé de capitaux avec l’ex MINDEF  et Robert Franchetti à hauteur de 1,3 milliards Fcfa. Une grosse incongruité à en croire certains hommes de loi. « Cette privation de liberté au sieur Menye a été prise arbitrairement et illégalement par le Juge sur aucune base légale. Uniquement sur la base des déclarations d’un mis en cause sans un recoupement quelconque. Ce qui est strictement et de manière permanente en violation de l’article 311 du Code de procédure pénale du Cameroun », commente un avocat qui a requis l’anonymat.

En effet, cet article indique que le tribunal ne peut fonder sa décision sur des déclarations d’un coaccusé si elles ne sont pas corroborées par un témoin hors de la procédure, ni des éléments probants de preuve. D’ailleurs Victor Menye n’a pas manqué de rappeler à ses « bourreaux » mardi dernier, qu’il a été mis en prison pour des questions qui ne lui ont été posées ni par les enquêteurs, ni par le juge d’instruction. La bobine tragique de cette affaire, c’est que sa fille était suivie depuis l’âge de cinq ans à l’hôpital à Paris. Lorsque le juge d’instruction l’envoie devant le TCS le 26 août 2020, la gamine voyage pour la France et le 16 septembre 2020 elle décède et est enterrée à Montpellier alors qu’elle aurait pu être inhumée ailleurs. Là où le bât blesse, fait-il remarquer, c’est qu’en tant que mandataire de banque, il avait la possibilité de présenter une garantie de caution de 1 millions 300.000.000 Fcfa, que le juge n’a (malheureusement) pas sollicité, préférant l’envoyer ipso facto au gnouf.

La République du Kongossa

Pire, le même juge d’instruction le renvoie devant le TCS pour des infractions qu’il n’a pas pris le soin de l’interroger à propos. Une série d’arguments qui pourrait constituer un motif suffisant d’annulation d’une procédure pénale. L’accusé va pousser le bouchon plus loin en déclarant qu’il a été arrêté et embastillé sous la base de ragots et de commérage. « Lorsque je suis convoqué comme suspect, j’étais surpris car je pensais que devant un tribunal criminel, pénal même s’il est spécial, on vous oppose des faits, de la matière, mais pas des supputations, du Kongossa. C’est sur ce vide, ce néant que je suis gardé à vue le 5 mars 2019 », argue-t-il sous le regard honteux de ses contradicteurs. Suffisant pour démonter ces accusations portant sur des supposés montages et transactions financières ainsi que l’ouverture abusive de multiples comptes bancaires tant sur le plan national qu’international. L’Examination-in-chief terminée mardi dernier, l’audience a été suspendue et reprendra le 20 septembre prochain. A suivre !

Le Messager



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